LUNDAD MARSEILLE, UNE FEMME QUI VIENT DE LOIN

L’équipe de HAPPINESS COMMUNICATION à travers le volet INSPIRATION se fait toujours le plaisir de dialoguer avec des personnes qui ont des histoires inspirantes à raconter. A l’occasion de ce 8 mars qui marque la journée internationale des droits des femmes, la plateforme compte recevoir plusieurs Fanm Djanm dans la société haïtienne. Aujourd’hui elle est heureuse d’accueillir Lundad MARSEILLE en tant que Féministe engagée dans la lutte pour le respect des droits des femmes, à partager avec la communauté, à travers un entretien édifiant, quelques facettes de sa vie. Agro-Entrepreneure, Gestionnaire de Projet, Fille de Madan Sara, Lundad MARSEILLE a connu une enfance et une adolescence atypiques. Ce qui devrait la retenir impitoyablement dans un univers exécrable. Lundad avait brisé ses pesanteurs, et beaucoup de ses connaissances ne s’attendaient guère à son rayonnement. Elle refuse de voir des femmes ou des jeunes filles se laisser emporter par leurs difficultés sans jamais penser à se relever. C’est pourquoi elle passe sa vie professionnelle à booster des femmes à devenir des battantes et des gagnantes. Ainsi, elle se met disponible pour répondre aux différentes questions de la plateforme HAPPINESS COMMUNICATION.

1- Bonjour Lundad, Comment allez-vous ?

Lundad : Bonjour à toute l’équipe de HAPPINESS COMMUNICATION. Je vais super bien merci et vous ? C’est un devoir de partager mon parcours, mes expériences à la plateforme espérant que ça peut servir à d’autres personnes pour pouvoir avancer dignement dans la vie.

2- Pouvez-vous vous présenter à la plateforme HAPPINESS COMMUNICATION ?

Lundad : Oui avec plaisir. Je suis Lundad MARSEILLE, j’ai 37 ans, je suis née à Port-au-Prince mais je suis originaire de Boucan carré une commune du Département du Centre. J’habite à Mirebalais depuis mon enfance. Avant tout je dois mentionner que j’ai plusieurs chapeaux parce que je suis polyvalente. Je suis Agro-Entrepreneure et Gestionnaire de formation, Coordonnatrice départementale adjointe pour le Ministère à la Condition féminine et aux Droits des femme ( MCFDF/Centre). Je suis aussi PDG AGRITECH, un Centre de production avicole, Manager HAPPINESS COMMUNICATION, gagnante de Digicel Entrepreneure secteur Emergent en 2013, Consultante indépendante en PME/ PMI, Princesse Nationale Royaume Vodou d’Haïti, Féministe engagée pour le respect des droits des femmes en Haïti. Je préside aussi d’autres Clubs et Équipes comme Club des Entrepreneurs du Centre ( CEC) et la Plateforme des Organisations de femmes pour l’avancement du centre POFAC, et la Fondation Vent d espoir.

3- Est-ce possible de nous raconter votre enfance et adolescence ?

Lundad: Parler de mon enfance, c’est partagé avec vous une facette très pénible de ma vie. Les séquelles de cette période m’ont profondément marquée. Enfant de “MADAM SARA”, malgré les importantes limitations socio-économiques de ma mère, elle était déterminée à m’inculquer des notions de grandeur, de sagesse, de Leadership comme boussoles me permettant à prendre aujourd’hui l’envol de l’aigle. Tout ce que je peux dire c’est qu’une grande partie de mon enfance n’a pas été correcte, elle a été marquée par la maltraitance, la privation, et des violences physiques et psychologique d’une belle-mère. Mon adolescence était par la suite marquée par des expériences traumatisantes hors norme que je me garde de raconter à cause de la peine qu’elles inspirent. En effet, la période de l’enfance de tous et de chacun est fondamentale dans l’orientation vers la réussite. Elle peut déterminer toute la vie d’une femme ou d’un homme. Le pire, j’ai perdu ma maman, une jolie Madam Sara, une héroïne extraordinaire quand j’avais 20 ans, j’étais en Philo en ce moment. Après sa mort, c’était le début des épreuves mentales et économiques sans précédent pour moi.

4- Pourquoi avez-vous fait choix de l’Agro-Entreprenariat comme profession ?

Lundad : Après le décès de ma mère, j’étais laissée pour contre parce que je n’avais pas été prise en charge par les ainés de ma famille. J’étais devant un dilemme, soit je devrais choisir entre devenir une pondeuse d’enfants pour un homme afin de survivre et continuer à croupir dans la misère ou devenir une femme indépendante. Comme je vivais avec ma mère, après sa mort, j’étais seule à la maison, toujours en train de pleurer parce que je ne pouvais supporter sa disparition. Je n’avais pas d’argent pour aller à l’Université d’ailleurs. Je ne savais pas ce que je devais faire. Un jour, j’avais rassemblé toutes mes forces pour demander de l’aide à quelqu’un dont ma situation ne lui était pas inconnue. J’avais fait ça parce que j’étais motivée à devenir quelque chose dans la vie comme c’était le vœu de ma mère. Elle croyait véritablement en l’éducation. Cette personne que j’avais demandé de l’aide m’avait effectivement accompagnée et n’attendait que ma réussite comme si j’étais son enfant. Heureusement pour moi, ce même moment, une Congrégation catholique avait lancé une Formation en partenariat avec le Ministère de l’Agriculture et des Ressources naturelles sur l’Entrepreunariat agricole, et j’y ai été orientée et subir les examens d’admission. Grâce à mon intelligence, j’avais réussi avec brio. En quelque sorte, je n’avais pas fait le choix de l’Agro-Entreprenariat parce que je n’avais pas d’autre alternative. Si cette personne m’avait conduit vers les Sciences Comptables, je serais aujourd’hui Comptable, vers la Médecine, je serais Médecin. Cependant, je dois vous dire que je suis très chanceuse que ce soit vers cette filière que j’avais été orientée. Ce fut la seconde personne qui m’a supportée pour devenir ce que je suis en ce moment: Entrepreneure-Agricole (Spécialiste en production animale). Ce qui remonte aux années 2007-2010. Je serai éternellement reconnaissante envers cette personne.

5- Comment ont été la période des études ?

Lundad: Imaginez bien ! C’était toujours une des périodes les plus difficiles de ma vie. En dépit de plusieurs autres difficultés et besoins, j’étais très appliquée parce que je voudrais devenir une femme autonome comme ma mère. J’étudiais avec rage et faisais les devoirs avec des larmes aux yeux. Je faisais de longs trajets à pied, sans manger, ou du moins seulement avec un sachet de bonbon Guarina dans le ventre. Je n’avais pas de Mentor, ni de Conseiller, ni de guide, rien, je n’avais que Dieu et les consignes de ma défunte. J’avais tout simplement un rêve en tête. Vivre sans un rêve, sans un objectif dans la vie est catastrophique. Je le dis toujours aux jeunes filles et femmes rurales quand je vais leur donner des formations notamment en Entreprenariat : IL FAUT ABSOLUMENT AVOIR UN REVE. C’est ce qui va les aider à tenir la route, à se relever dans les périodes basses.

6- Comment avez-vous pu traverser cette époque difficile ?

Lundad: Je n’avais même pas terminé mes études que j’avais déjà trouvé du travail dans un Projet parce que j’étais une Étudiante remarquable. Mon premier salaire était comme un miracle pour moi. Tèt mwen te cho, c’était pour la première fois de ma vie que je touchais à une telle somme à l’époque. Se pa t gwo lajan l te ye vre mais je ne pouvais pas y croire. J’étais tellement contente. C’est depuis lors que j’enchainais des expériences professionnelles l’une après l’autre. C’était le résultat d’une constance intérieure.

7- Comment exercez-vous le métier d’Entrepreneure-Agricole en Haïti ? Quelle entreprise agricole possédez-vous ?

Lundad: J’exerce ce métier avec passion, c’est l’un des points départ de la femme je suis, ensuite il me rapproche des activités de ma mère, au final il y a de la richesse dans l’agriculture. J’ai donc fait un tas d’expériences dans le domaine comme Consultante et employée pour plusieurs Entités et Organisations internationales telle que l’Union Européenne, dans le cadre de la réalisation de la grande foire EXPO de concert avec CIAT. J’étais Responsable Nationale du programme Agriculture pour le compte de TECHO / AIM dans le cadre du renforcement de la filière MORINGA, Coordonnatrice du programme Agriculture pour TSHUC sans oublier ma collaboration avec FAES et autres Institutions locales.

En tant qu’Entrepreneure Agricole, j’ai mis sur pied ma propre entreprise appelée AGRITECH avec une capacité de production de 6,000 poulets de chair, une firme de consultation et de réalisation en agriculture depuis 12 ans. Et c’est grâce à cette structure que j’étais finaliste de la Digicel à travers le secteur émergent pour la région du Centre en 2013. J’ai connu des hauts et des bas avec cette Entreprise mais je ne vais pas la laisser tomber. Je produis aussi dans la culture maraichère.

8- En tant qu’Entrepreneure-Agricole, que pensez-vous de l’importation vertigineuse des œufs dominicains vers Haiti ?

Lundad: Cela m’énerve du plus profond de moi-même. Nous ne faisons qu’enrichir la Dominicanie. Cette situation constitue une grosse menace pour les producteurs du secteur avicole en Haïti. D’ailleurs l’importation des œufs de la République dominicaine est illégale. Elle ne respecte pas les normes commerciales et qualitatives haïtiennes. Nous consommons aveuglément tous les produits dominicains. Tout ceci parce que l’Etat haïtien n’a aucun contrôle sur ses frontières, que ce soit dans le Nord ’Est/Dajabon ou dans le Centre/Elias Pinas ou dans l’Ouest/Jimani. Nous importons tellement d’œufs que le gouvernement dominicain avait temporairement interdi au mois de janvier cette importation sur le marché haïtien afin d’en éviter une pénurie ou du moins l’augmentation du prix de ce produit dans son pays. Pour moi c’est une énorme honte pour nous. La Dominicaine produit à peu près 9 millions d’œufs PAR JOUR. Ce qui me chagrine encore c’est que tout ce que la République dominicaine fait, nous pourrions aussi les faire, mais il n’y a pas de volonté réelle. Et je dois vous dire sincèrement que je réfléchis pour trouver une alternative à Haïti pour palier ce grave problème.

9- Maintenant en tant que Féministe engagée, comment voyez-vous ce mouvement en Haïti ? Quelle est la vraie mission d’une Féministe ?

Lundad: Le mouvement féministe en Haïti est en situation difficile pour plusieurs raisons. Parfois ce que font certain.e.s soi-disant «féministes» n’ont rien à voir avec le mouvement. Je ne prétends pas pourtant être une parfaite féministe mais j’essaie de me rapprocher de l’idéal du mouvement qui est la promotion systématique de l’égalité des droits et l’établissement d’une justice sociale entre les hommes et les femmes. Désolée, le mouvement féministe n’est pas une guerre contre les hommes. Tout au contraire, j’invite les hommes à se joindre davantage à ce mouvement, je connais plusieurs hommes féministes dans le pays. Je suis pour l’enseignement du genre en classes primaires et secondaires afin de permettre dès le jeune âge et l’adolescence de saisir le fondement du principe de l’Egalité. Le mouvement féministe est très vaste. Préoccupée par ce mouvement je continue à me former sur le sujet dans le souci d’être toujours à jour sur le concept. E se nan tout raje, tout rakwen andeyò, nan twou wòch, nan Mòn pou yo fòme mesye ak medam yo paske anpil fanm pa konnen si yo gen Dwa akoz sosyete a fè yo konnen Gason gen dwa bat yo oubyen touye yo menm. Ce ne sont pas seulement les femmes des grandes villes qui doivent être formées sur leurs droits. Je pense qu’il faut un plan de redressement pour ce secteur.

10- Nous sommes curieux de savoir comment vous faites pour gérer votre temps en tant que femme dynamique avec tous ces chapeaux ?

Lundad: Pour être honnête avec vous, je travaille trop, parfois je frôle le surmenage. Mon problème c’est que je veux avoir des résultats concrets, et je ne suis pas du genre à laisser aller une opportunité même si je travaillais déjà sur une première. Tout ceci pour vous dire que je trouve quand même un moyen de m’accommoder avec mes différentes responsabilités. Je possède un Cahier pour noter mes rendez-vous et l’évolution des activités. La chose qui m’aide considérablement c’est la délégation de tâches. Je n’hésite jamais à déléguer. Je fais ça surtout pour aider d’autres jeunes à s’orienter et épanouir.

Travailler beaucoup, j’hérite ça aussi de ma mère. Les Madan Sara en Haïti sont des femmes incroyables qui travaillent très dur au péril de leur vie pour leurs enfants. Ce sont de grandes distributrices de nos produits agricoles. Le pire, elles n’ont aucune assurance sociale, ça me fait de la peine. L’Etat haïtien à travers soit le Ministère du Commerce, soit le Ministère de l’Agriculture, soit le Ministère des affaires sociales doit penser un jour à encadrer les Madan Sara dans le pays parce qu’elles nourrissent toute la communauté haïtienne.

Fo n dakò ke travailler dur donne des résultats mais c’est surtout travailler bien. Vous devez travailler avec intelligence pour avoir à la longue des résultats juteux. Ou ka bouke travay di epi w pa reyalize anyen ki pi serye. Sa pral depann kijan w pral depanse kòb yo peye w la, kote w pral mete l, eske w ap fè l fè pitit. C’est bien de travailler mais il faut surtout penser à investir, à créer, à entreprendre une activité passionnante et rentable même si ça peut prendre un peu de temps.

11- A travers vos longues années d’expériences dans le secteur agricole, quelles recommandations feriez-vous à l’État haïtien pour ravoir notre souveraineté alimentaire ?

Lundad: En Haïti, l’État doit aider la population à retrouver sa souveraineté alimentaire en encourageant les cadres agricoles dans une approche de filière et de chaine de valeurs. L’Etat doit investir systématiquement dans l’encadrement de la relance de la production nationale en passant par la valorisation d’une agriculture intelligente c’est-à-dire une agriculture mécanisée. L’Etat doit distribuer les terres aux paysan.ne.s, pour réduire au fur et à mesure l’agriculture de subsistance parce que sur le plan Macro ça ne veut rien dire. L’agriculture de subsistance comme son nom l’indique est une agriculture de survie, ce sont des particuliers qui peuvent la pratiquer pour avoir de quoi manger chez eux. Nous devons grandir à l’ère qu’il est, c’est-à-dire passer de l’agriculture manuelle à une production mécanique et industrialisée. Dans une enquête menée l’année dernière par le PAM et la FAO, 65% de la population sont en situation d’insécurité alimentaire. Sa vle di sou 100 moun gen 65 ki grangou Ki pa ka jwenn manje chak jou. Se pa yon jwèt sa ye! Il est à retenir que l’insécurité alimentaire engendre l’insécurité tout court. Quand une jeune femme/un jeune homme ne peut pas manger, il devient vulnérable, n’importe qui peut le corrompre.

Haiti, pays essentiellement agricole, peut produire de la nourriture en quantité pour le peuple haïtien et favoriser des exportations rentables. Tout ceci aura un gros impact sur la devise nationale, l’assiette fiscale, les chef.fe.s de ménage et le développement des communautés en général. Également, plus de femmes œuvrant dans le système seront indépendantes et les violences psychologiques, physiques et économiques sur elles diminueront considérablement. Au final, la sécurité alimentaire et la sécurité sociale réduiront considérablement la fuite de cerveaux.

12- Aux femmes haïtiennes quel serait votre dernier message ?

Lundad: Je dirai aux femmes haïtiennes de viser haut, viser grand, viser loin. Ayez le sens de dépassement de soi mesdames! Soyez des femmes éduquées et professionnelles car l’autonomie intellectuelle et financière peut vous épargner de bien de malheurs. Les femmes doivent aussi se débarrasser de certaines habitudes improductives comme les polémiques déloyales, les jalousies mesquines, les critiques gratuites. Demandez-vous d’abord à quoi ces choses vont vous être utiles avant de vous en adonner. Moi je suis trop afférée pour certaines choses inefficaces en réalité.

Je dirais aux mamans haïtiennes, inculquez très tôt des valeurs sures à vos enfants au cas où un jour vous serez absentes. Vous pouvez aussi bien être vivantes et n’êtes pas près de vos enfants pour les protéger. Ils doivent être mentalement autonomes. A l’instar de ma mère, occupez le temps de vos enfants dans des activités sociales. Elle m’avait intégré dans pleines d’activités sociales comme le MEJ (Mouvement eucharistique des jeunes), les activités communautaires ce qui m’ont aussi aidé à développer mon sens de responsabilité et Leadership.

Read Previous

Kilyan MBappé devient le meilleur buteur du club Paris Saint Germain à l’âge de 24 ans

Read Next

Grande célébration de la journée internationale des droits de la femme à Mirbalais par AZA.

2 Comments

  • Awww!!!! Merci Lundad de partager ton histoire avec nous!!!! Elle est très inspirante, et nous sommes fièrs de toi😍

  • Très intéressant

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Most Popular