L’un des panneaux indicateurs de toute société démocratique est la liberté de la presse englobant la liberté d’expression, la liberté de pensée. En effet, la liberté de la presse est le fait pour le citoyen et le Professionnel de la presse de pouvoir exprimer leurs opinions sans ambages à travers n’importe quel média. Pourtant, même en étant démocratiques, certains États boudent la liberté de la presse par des menaces voire des éliminations systématiques de Journalistes ou de Militants opposants. L’existence de l’article 28-1 de la Constitution haïtienne de 1987 garantissant aux journalistes la liberté d’exercer leur profession dans le cadre de la loi, n’empêche pas qu’une pléthore de Journalistes politiques soient agressés ou tués à tout bout de champ. Néanmoins, en Haïti, si elle n’est pas barricadée par des gouvernements anti-démocratiques, la liberté de la presse est très galvaudée par l’inconduite d’une multitude de Pseudo-journalistes. En effet, depuis 30 ans, l’Organisation des Nations Unies pour L’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) a proclamé le 3 mai comme journée mondiale de la liberté de la presse. C’est une occasion de célébrer les principes fondamentaux de la liberté de la presse et de rendre un hommage bien mérité aux Journalistes qui donnent des informations vitales aux auditeurs au péril de leur vie.
“Façonner un avenir des droits : la liberté d’expression ; clé de voûte des droits humains” tel a été le thème retenu pour cette année. Ce thème stipulerait que l’effectivité des autres droits humains est tributaire de la liberté d’expression. La liberté de la presse avait été explorée par les Comités des droits sociaux et des droits de l’homme du système des Nations Unies précisément à travers les pactes jumeaux. De son côté, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966 au niveau de l’Observation générale numéro 21, signale que la liberté d’expression sous-tend le droit de participer à la vie culturelle. Et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dans son observation générale numéro 34, souligne l’interdépendance des droits d’opinion, d’expression et de participation aux affaires publiques. Ainsi, pour parler de la situation de la liberté de la presse en Haïti, HAPPINESS COMMUNICATION est fier d’entretenir avec Hérold JEAN FRANÇOIS, un Journaliste Senior irréprochable de 45 ans de carrière qui se passe de présentation. Il est le Propriétaire Directeur Général de Radio Ibo le 98.5 à Port-au-Prince. Dans un entretien historique et fascisant, il nous raconte les différentes périodes de l’histoire de la presse en Haïti. Il nous délivre également plusieurs recommandations salutaires pour le bien du secteur.
1- Rachel: Monsieur Jean François comment allez-vous ? Voulez-vous nous parler un peu plus de vous ?
Hérold : Bonsoir Rachel. Je suis Hérold Jean-François originaire de Saint-Raphaël, j’ai grandi au Cap-Haïtien depuis l’âge de six ans. J’ai grandi dans une famille de dix enfants dont six sœurs et quatre frères. Je suis dans le monde médiatique depuis quarante-cinq ans. J’ai commencé à Radio Citadelle au Cap-Haïtien et j’ai continué l’aventure médiatique à Port-au-Prince avec des expériences à Radio Métropole, à Radio Nationale, à Radio IBO. J’ai fait le tour de la presse radiophonique, la presse écrite, la télévision et des agences de presse nationales et internationales. J’ai étudié les sciences économiques, et je suis post gradué en relations internationales.
2- Rachel: En tant que Journaliste de carrière, pouvez-vous nous parler des temps forts de la lutte de la liberté de la presse en Haïti ?
Hérold : La presse en Haïti est très vieille. Depuis les premières années après notre indépendance, et même bien avant, la presse a existé. Nous avions eu des organes de presse de référence, des journaux surtout, d’excellentes publications mentionnées dans les livres de Jean Desquiron qui a fait un répertoire de la presse en Haïti dans la collection « Je me souviens, Haïti à la Une », une anthologie de la presse haïtienne de 1724 à 1934 en plusieurs tomes. Mais, la culture d’autoritarisme aidant, la liberté de la presse a été un combat de longue haleine, jusqu’aux ouvertures faites par la Constitution du 29 mars 1987.
Toutefois, ni la tradition autoritaire ni les dictatures n’ont pas su mettre la presse en veilleuse totalement. Les années 1980 sont un bon exemple des combats menés en faveur de la liberté d’expression, malgré des lois et dispositions de loi imposant la censure et la pensée unique. Des médias et des journalistes courageux ont maintenu ouvert, à leur risque et péril, des canaux d’expression où la presse cohabitait avec la dictature en développant des stratégies de diffusion de certaines informations qui irritaient le régime dictatorial.
A partir du 7 février 1986 Haïti entrait dans l’ère de la parole à outrance. La liberté de la presse s’est mise au service de la liberté d’expression et de toutes les autres libertés frustrées pendant une trentaine d’années environ par la dictature. Désormais, la presse, les médias, les journalistes, les citoyennes et les citoyens, la population, les multiples organisations de tous les secteurs ont joui on dirait même abusivement de la liberté de la presse au service des autres libertés.
3- Existe-t-il un cadre légal de la liberté de la presse en Haïti ?
Hérold : Le Code Pénal, la Constitution de 1987 dans certains de leurs articles disposent de la liberté d’expression, de la liberté de la presse, des délits de presse etc. Ces deux instruments sont considérés comme le cadre légal régissant la liberté de la presse en Haïti. La Constitution dans ses articles 28, 28.1, 28.2, 28.3 donnent des garanties quant à la jouissance de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
Avant l’adoption de la Constitution de 1987, le Conseil National de Gouvernement (CNG) avait publié le 31 juillet 1986, un Décret sur la presse. Mais la corporation, d’un revers de main, l’avait rejeté.
4- Rachel : “Façonner un avenir des droits : la liberté d’expression ; clé de voûte des droits humains” tel a été le thème retenu pour cette année pour la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse. Quel serait votre avis à propos de ce thème ?
Hérold : La liberté d’expression fait partie des droits naturels à côté des autres droits fondamentaux. Comment la vie en société serait-elle possible si les citoyennes et les citoyens ne parlaient pas et ne se parlaient pas entre eux ? La liberté d’expression est un bien fondamental. Nous parlons pour exprimer nos besoins, notre appréciation ou notre désapprobation. Le droit à la parole est sacré et devrait être inviolable. Mais nous savons bien que des dirigeants autoritaires, trop souvent ont confisqué ce droit. Mais l’être humain doué d’intelligence s’arrange par tous les moyens pour placer son mot en inventant d’autres façons de parler. En Haïti, quand la liberté d’expression était brimée, on parlait par signes, on jetait des tracts etc.
5- Rachel : Pendant la période dictatoriale, la parole était sous censure en Haïti. Il y avait beaucoup de difficultés à faire circuler les informations. Des journalistes ont dû fuir. Avez-vous vécu cette époque aussi ? Si oui comment cela se passait pour vous en tant que jeune Journaliste ?
Hérold : La situation de la presse était difficile. Les années 80 étaient décisives pour l’opposition au régime dictatorial. Pendant le mandat du Président Jimmy Carter aux États-Unis et la promotion des droits de l’homme, le régime a eu un profil bas et a dû jeter du lest. Les opposants en ont profité, la presse, les syndicats d’ouvriers, des comédiens ont monté des pièces de théâtre et faisaient feu de tout bois. Mais le niveau de tolérance zéro du pouvoir a fait qu’il y eut des revers pour ceux qui se risquaient. Bastonnades, arrestations, assassinats, disparitions, exil ont été les réponses du pouvoir jaloux de ses espaces qu’il voulait exclusives. Le pouvoir arrêtait à tour de bras et pendant cette période, plusieurs journalistes ont été assassinés. Le cas le plus spectaculaire a été celui du journaliste Gasner Raymond de l’Hebdomadaire le Petit Samedi Soir dont on avait trouvé le corps à Braches tout près de Léogane, le mardi 1er juin 1976. Gasner a mené une série de reportages sur les revendications du syndicat des ouvriers du Ciment d’Haïti. Cela n’a pas plu au pouvoir. Il y a eu par la suite la disparition d’Ézéchiel Abélard animateur d’une émission du soir à Radio Métropole. On dit qu’il mourut de tuberculose dans une cellule infecte de Fort Dimanche (voir le texte d’Alain Saint Victor soumis à Alter Presse le 15 février 2012).
En novembre 1980, l’on sentait que le pouvoir mijotait quelque chose. On incendiait des maisons dans le bidonville de La Saline, le pouvoir en profitait pour arrêter des militants politiques montrés à la télévision comme auteurs de ces forfaits…
Et on arriva à la date fatidique du 28 novembre 1980 où c’était ce qu’on appelait à l’époque, la rafle des journalistes et des hommes politiques. Le régime a montré ses muscles, de nombreuses arrestations et d’expulsions par la suite de journalistes de référence. D’autres se sont mis à couvert. A partir de cette date, Haïti était orpheline de sa presse indépendante. Depuis, certaines stations de Radio dont on avait arrêté des collaborateurs ont arrêté la diffusion de nouvelles nationales ou ont cessé d’émettre comme Radio Haïti. L’information diffusée dès lors consistait pour l’essentiel en des dépêches de l’Agence France Presse (AFP).
Le 28 novembre 1980, il y avait 25 jours depuis que j’avais commencé un stage à Radio Métropole sous la supervision de Marcus Garcia qui faisait partie des victimes de la rafle des journalistes. Le ressort était cassé.
J’ai intégré la Radio Nationale en août 1982 comme présentateur de nouvelles à l’édition du matin. Peu de temps après j’étais rédacteur en chef d’une des éditions de nouvelles. J’animais avec feu Jean-Robert Simonise Directeur de la Programmation, un magazine Économique : « Présent Économique ». Et je couvrais en direct, des événements officiels. Je collaborais également avec la section culturelle dirigée par Roland Thadal de regrettée mémoire et l’émission de compas direct animé par le regretté Félix Lamy. Après la chute de la dictature duvaliériste, Directeur adjoint de l’Information nous faisions partie de l’équipe qui a ouvert la Radio Nationale à l’opposition. Nous avions fait la transition d’un média gouvernemental à un média d’État où tous les courants de pensée étaient désormais reçus à nos émissions. Gérard Gourgue, Myrlande Manigat, René Théodore, Sylvio C. Claude, Grégoire Eugène entre autres étaient parmi nos invités. Mais cela n’avait pas plu au CNG et mes collègues Yves Cajuste, Directeur de l’Information, Évelyne Danticat, Rédactrice en chef et moi-même avions été révoqués en septembre 1986.
Mon épouse Adine Alphonse nous a suivi, en solidarité avec le groupe.
Nous avions dénoncé en ondes aux micros de la station, la nomination d’un nouveau Directeur Général, Pierre C. Alexandre, envoyé en mission à la Radio Nationale pour bloquer les ouvertures que nous avions faites en transformant la Radio Nationale en un média d’État.
6- Rachel : C’est sûr que vous connaissez l’histoire de Yvonne Hakim RIMPEL, une Journaliste victime de l’époque dictatoriale. Pouvez-vous nous raconter brièvement ce qui lui était arrivée ?
Hérold : Yvonne Hakim Rimpel est une figure de référence du mouvement féministe haïtien. Elle fait partie avec Lydia Jeanty des fondatrices de la Ligue Féminine d’Action Sociale. Elle a dirigé plusieurs publications de La Voix des Femmes à Escale. Elle était très active très jeune. Elle était aussi membre de la Ligue contre L’Analphabétisme et transformait la galerie de sa maison en salle d’école du soir pour le personnel de maison, avec la participation de ses enfants.
Journaliste de l’opposition, proche de Louis Déjoie candidat lui aussi aux élections du 22 septembre 1957, elle apostropha le Général Antonio Kébreau, Chef de l’Armée qui remettra le pouvoir au Dr. François Duvalier. « A moi Général,Deux mots…»! Dans cet article, elle dénonça les manoeuvres du Général Kébreau en faveur du candidat Duvalier.
Yvonne Hakim Rimpel est de tous les combats. Elle était déçue de la tournure des choses après le mouvement de janvier 1946 qui avait emporté le pouvoir d’apartheid d’Élie Lescot.
C’est cette figure de caractère qu’un groupe de satrapes à la solde de François Duvalier kidnappera chez elle après être entrés dans sa maison par effraction un soir du 5 janvier 1958, moins de trois mois de l’An I du régime de terreur qu’inaugurait François Duvalier. Ses deux filles sont battues, laissées amochées, l’une d’elles ayant perdu deux dents dans l’agression.
Les kidnappeurs de Madame Yvonne Hakim Rimpel, le visage encagoulés, sont parties avec elles dans leur voiture. Le jour suivant elle a été trouvée les vêtements déchirés, le corps ensanglanté. Ella a été battue, violée, abusée et laissée pour morte dans les hauteurs de Delmas, non loin de Pétion-Ville. Elle est restée plus d’une dizaine d’heures sur la table d’opération et deux mois hospitalisée. (Voir Femmes d’Haïti, Yvonne Hakim Rimpel, www.haiticulture.ch), (devoirdemémoire.ht, 5 janvier 1958-5 janvier 2019, 61 ans, témoignage de Louis Rimpel.
Yvonne Hakim Rimpel est restituée dans plusieurs publications du mouvement féministe haïtien qui la considère à bon droit, comme une icône.
7- Rachel : La Radio demeure jusqu’à présent le média le plus puissant D’Haïti. Selon la CONATEL, il existait en 2019 dans tout le pays 398 stations de radio sur la bande FM et 8 sur la bande A.M sans oublier une soixantaine de radios communautaires. Selon vous, cet engouement est-il bénéfique pour la liberté de la presse en Haïti ? Même question pour le pullulement des médias en ligne.
Hérold : La profusion médiatique est une bonne chose pour le débat démocratique. Dans une telle réalité, il est quasiment impossible qu’un groupe quel qu’il soit de notre société n’ait pas accès aux médias pour s’exprimer et faire passer son opinion.
Mais il n’y a pas qu’un seul aspect de cette situation. Elle peut entrainer des dérèglements, chacun étant autonome peut prendre des positions contraires au progrès et au changement démocratique.
Quant aux médias en ligne, ils sont une réalité imposée par les technologies de l’information. Ils sont utiles et nocifs à la fois. Ils véhiculent trop de rumeurs et d’informations non vérifiés. Les textes sont en général remplis de fautes et souvent décousus. Il y a des exceptions, mais la grande majorité écrit n’importe quoi. Nous devons vivre avec, mais les responsables de ces médias en ligne doivent faire beaucoup d’efforts pour rendre les textes lisibles et potables.
8- Selon vous, existe-t-il une période nostalgique où la pratique professionnelle du journalisme était à son plus haut niveau en Haïti ? C’est-à-dire où tous les principes déontologiques étaient totalement respectés dans tous les médias ?
Hérold : Avant le 7 février 1986, il n’y avait pas de liberté d’expression, c’était la censure et la pensée unique. Cependant il y avait dans les médias privés et publics des filtres qui ne laissaient passer que la crème. Speakers, speakerine, présentatrices et présentateurs de nouvelles ou d’émissions culturelles, de musique, de sports ou autres, c’est la compétence qui prévalait. Dans le journal gouvernemental ou dans les journaux privés, ceux qui publiaient les textes étaient pour la plupart, des écrivains, des intellectuels. C’étaient les maîtres, des figures de proue, les modèles qui inspiraient les jeunes attirés par le journalisme.
La plupart des aînés d’aujourd’hui ont travaillé à côté de cette élite de notre presse. Il y avait un souci et une exigence de qualité.
Mais aller jusqu’à dire que l’on appliquait toutes les règles d’éthique avec un respect scrupuleux de la déontologie, on ne serait pas dans un espace articulé autour des femmes et des hommes de chair capables d’erreurs et de faiblesses.
Peut-on être tenté de dire, quand on compare avec ce qu’est devenue notre presse aujourd’hui, que cette période peut être considérée comme l’âge d’or de la presse haïtienne ? Malgré la grande qualité de la presse haïtienne, en ces temps-là, est-ce que la réalité d’auto censure et de dictature, n’enlève pas quelque chose à cette prétention? Certains pourraient même poser la question : Comment peut-t-on parler d’une presse performante et de qualité en dehors d’un contexte de liberté d’expression ? C’est tout à fait paradoxal !
A partir du 7 février 1986, on va entrer dans une ère de “bamboche” qui entrainera une dérégulation en tout en Haïti. Tout deviendra informel du petit commerce dans nos rues jusqu’aux avenues de l’État. Tout le monde peut tout faire. Et pour cause, notre société a favorisé l’entrée dans l’espace des institutions et du pouvoir, des gens tout à fait inaptes. L’effondrement de la nation à laquelle nous assistons aujourd’hui, est le résultat de cette dérégulation, de choix et de comportements liberticides…
La presse en Haïti dans les années 70 jusqu’au milieu des années 80, a produit les personnalités de référence dans la corporation. De la presse écrite à la télévision en passant par la radio, on a vu défiler un ensemble de compétences qui faisaient le respect de la profession de journaliste et du secteur des médias.
Avant d’avoir accès aux médias, les aspirants journalistes devaient faire un véritable parcours du combattant. On leur imposait des tests de présentation et de reportage. Pour avoir droit au micro ou à la publication de son texte dans un journal, ils devraient être bons, très bons. Les patrons et directeurs des médias ne faisaient pas de cadeaux. Ici, même en ces temps-là, le parrainage ne fonctionnait pas, on ne recrutait que les meilleurs.
Depuis l’ère de la transition démocratique, on est malheureusement sorti des exigences et des critères élevés en cours avant dans les médias, ce pour notre malheur…
9- Rachel : Nombreux sont ceux qui estiment que la presse haïtienne est prise en otage par un groupe de Politiciens ou de grands manitous économiques. Selon vous qu’est-ce qui pourrait entraver l’indépendance des Professionnels de la Presse ?
Hérold : Dans tous les pays, la presse est sujette à toutes les convoitises. Des groupes d’intérêts économiques ou politiques font tout pour avoir le contrôle des médias. De fait, dans les pays riches, dans le monde développé et les pays considérés comme « les grandes démocraties » beaucoup de médias appartiennent à de riches magnats le plus souvent alliés de partis politiques.
En Haïti, jusqu’à présent, contrairement à nos voisins dominicains, nous échappons à cette réalité.
En Haïti, les médias appartiennent encore à des particuliers, à des familles et non à des groupes. Cette particularité a à voir avec notre nature individualiste comme société.
C’est vrai que ces dernières années on a assisté à un phénomène d’incorporation de médias au service de groupes d’intérêts privés et politiques. Toute la publicité de ces entités étatiques et privées va vers ces médias au détriment de la presse indépendante victime certaines fois d’un boycott ouvert ou subtil.
Cette situation altère l’objectivité de ces médias en service. Mais comme soutenu précédemment, la profusion médiatique aide à résoudre la défaillance ou la perte de ces médias soustraits à la lutte pour le changement et la démocratie.
Il va sans dire que ces relations entre ces médias et les opérateurs politiques et économiques entravent l’objectivité des journalistes desdits médias qui ont perdu toute autorité critique et toute pensée autonome quand il s’agit de ces clients patrons ou/et alliés.
10- Rachel : Dans quelle mesure pensez-vous que les médias en général peuvent contribuer au renforcement de la démocratie et de l’état de droit en Haïti ?
Hérold : Pendant toute la transition, la presse, les médias ont accompagné les revendications de changement et la demande de démocratie. On peut même dire que si ce n’était pas le cas, n’était-ce l’engagement de la presse, des journalistes et des intervenants dans les tribunes de la presse, ceux qui ont tout fait pour empêcher la concrétisation du rêve de changement du peuple haïtien auraient gagné le pari de faire échouer le processus démocratique. Si le processus est maintenu vivant, c’est grâce entre autres aux contributions de la presse.
11- Malgré la fragilité du Métier, beaucoup de jeunes sont réellement passionnés du Métier de Journalisme. Quels conseils les donneriez-vous ? Et pour une liberté de la presse équitable et effective en Haïti quelle recommandation feriez-vous ?
Hérold : La presse, de tout temps a toujours attiré les jeunes avec toute leur fougue. Malgré les exemples qui ne manquent pas sur plus de deux cents ans, malgré les déboires des journalistes, malgré les exils, les arrestations, les bastonnades, les assassinats, les intimidations, la presse n’a jamais manqué de recrus. Les parents auraient beau lancer des mises en garde en mettant en évidence les nombreuses victimes de la répression de notre longue tradition d’autoritarisme, les aspirants journalistes sont en ligne pour accéder aux salles des nouvelles des médias.
Les jeunes qui sont attirés par cette profession en Haïti doivent prendre en compte les menaces et les dangers inhérents à l’exercice de cette profession. L’intolérance est l’une des plus grandes tares de notre société. Malgré des plaidoyers en faveur du respect de l’opinion des autres, trente-sept ans après l’ouverture d’une transition démocratique trop longue, la tolérance n’est toujours pas encore une valeur haïtienne.
Les aspirants journalistes doivent se former pour être parmi les meilleurs. Ces dernières années, il y a un gros défaut de qualité et de compétence dans les milieux des médias et de la presse. Les critiques à l’endroit des médias et des journalistes affublés d’épithètes dégradantes « machann mikwo » entre autres…sont multiples et bien des fois justifiées. Parce que la plupart des institutions ne jouent plus leur rôle et sont alors en dysfonctionnement, notre société a le réflexe de jeter toutes les responsabilités des autres secteurs sur les épaules de la presse. Pour tout ce qui ne marche pas en Haïti, on entend souvent: « La presse n’a rien dit ». La mission de la presse en Haïti va au-delà d’informer et de montrer la voie. Alors ceux qui veulent avec force devenir journalistes doivent être bien préparés, bien formés pour jouer les multiples rôles que notre société assigne aux médias et aux journalistes. Nous avons besoin des ressources intellectuelles nécessaires pour projeter des lumières sur les zones d’ombre et permettre à notre société de se bonifier, de s’améliorer et grandir pour que notre pays entre enfin dans la modernité en tout. Nos populations méritent d’avoir de meilleures perspectives, pour que le vivre ensemble soit moins tendu et que nous ayons comme nation, des vécus moins dramatiques, plus vivables, plus supportables et surtout plus en phase avec le siècle dans lequel nous vivons. Les nouvelles générations de journalistes doivent être bien conscientes de tout ce qui les attend pour qu’elles soient à la hauteur des attentes et contribuer à inscrire Haïti et son mode de fonctionnement, dans l’universel…
Rachel: Merci M. JEAN-FRANÇOIS pour ces tranches d’histoire combien émouvantes.
Hérold: C’est un plaisir Rachel.

Née au Cap-haïtien, je suis une Haïtienne restée attachée à ma ville natale. Mon penchant particulier pour les Sciences humaines et sociales s’accorde avec mes activités professionnelles en tant que Juriste en Droit de l’homme, notamment en Droits de l’enfant et en Droits des femmes. J’ai aussi reçu une formation en Journalisme et en Psychologie positive.
Mes goûts sont prononcés pour les activités artistiques et culturelles ( théatre, peinture, artisanat, dessin, danse, musique). Je me perds souvent à admirer des tableaux ou des œuvres d’art n’importe où. A l’adolescence, il me plaisait de chanter et de jouer au théatre à l’auditorium du Collège Régina Assumpta. Les restos, les spectacles, la danse sans toutefois aimer les bals, les documentaires, la lecture constituent mes loisirs préférés. Quant à l’écriture, elle remplit ma vie, et je ne m’en lasse jamais. Le sport ne me laisse pas aussi indifférente. Je suis fan de l’équipe d’Argentine, de Lionel Messi et de Golden State Warriors/ Stephen Curry.
Au bout du compte, mon caractère fébrile m’incite aussi à m’engager dans des activités communautaires afin de participer à l’élévation des mentalités. Je reste convaincue que Haïti peut renaître de ses cendres comme le Rwanda et bien d’autres pays dont les situations socio-économiques étaient pires que la nôtre.
YON JOU LA JOU !