POUR UNE INCLUSION NORMALE DES PERSONNES FRAPPEES D’ALBINISME EN HAITI. 

L’article 1 de la déclaration universelle des droits de l’homme proclamée le 10 décembre 1948 par l’assemblée générale des nations unies stipule « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité”. Et article 2.1 se poursuit ainsi “Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation”. Dans la réalité, tous les hommes ne sont pas égaux surtout dans les pays où la lutte pour les droits de l’homme est un véritable combat. C’est dans ce contexte que les Nations unies initient chaque année des journées internationales dans le but de rappeler tout le monde la nécessité de réfléchir sur certains sujets dont l’importance nous échappe. La plateforme HAPPINESS COMMUNICATION intentionnellement conçue pour aider à l’élévation de la mentalité haïtienne surveille toujours certaines journées internationales négligées en Haïti.  En effet, chaque 13 juin les Nations-Unies célèbrent la journée internationale de l’albinisme. Selon l’OMS, l’albinisme est une maladie rare, non transmissible et héréditaire qui existe dans le monde entier, indépendamment de l’appartenance ethnique ou du genre. Cette maladie est transmise à l’enfant par les parents qui portent tous les deux le gêne même si elle ne se manifeste pas physiquement chez eux. Comme dans d’autres zones sur la planète, les personnes atteintes de l’albinisme sont stigmatisées à cause de leur différence de présentation dû à une absence de pigmentation de la peau, des cheveux et les yeux.  Ils se sous-estiment la plupart du temps à cause de leur rejet social.  En ce sens, la plateforme HAPPINESS COMMUNICATION voudrait mettre sous les projecteurs sur un Capois frappé par l’albinisme et qui voudrait faire évoluer le sort des personnes de son genre. Il s’appelle Jhery JOSEPH, communément appelé « Blan Jhery ».  C’est est un brillant type qui vit sa vie normalement dans sa communauté, mais qui a des choses à nous expliquer concernant sa différence à travers un entretien à cœur ouvert. 

1- Rachel: Bonjour Jhéry! Comment allez-vous ?

Jhéry : Bonjour Rachel ! Je suis en pleine forme.

2- Rachel: Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de la Plateforme HAPPINESS COMMUNICATION s’il vous plaît ?

Jhéry : Je réponds au nom de Jhéry JOSEPH. Je vis avec l’albinisme. Je suis marié.  De nationalité haïtienne, je suis originaire de la Grande-Rivière du nord.  De fait, je suis domicilié à Cap-Haitien dès ma petite enfance (juste quelques jours après l’accouchement). Ainé d’une famille nucléaire de quatre enfants, j’ai reçu une éducation basée sur la morale chrétienne (Protestant baptiste). Par ailleurs, le Collège « Le Bon Samaritain » m’a donné les ABC du pain de l’instruction. Lycéen authentique (rire), je fréquentais le « Lycée National Dutty Boukman ». Bref !

Concernant ma formation universitaire et professionnelle je peux citer d’une part, « la Gouvernance Locale », laquelle renforce mon affinité pour l’Administration Publique. Également, elle me sert de boussole dans l’exercice de mes fonctions étant que fonctionnaire en exercice affecté aux finances publiques. D’autre part, « l’hygiène publique » (santé communautaire). Enfin, « les sciences juridiques ». Ces dernières éveillent en moi la défense des droits humains, notamment ceux des personnes vivant avec l’albinisme.

3- Rachel : Que pensez-vous de la journée internationale de sensibilisation à l’albinisme ?

Jhéry: À mon humble avis, la journée du 13 juin proclamée par l’assemblée générale de l’ONU le 18 décembre 2014 par la résolution A/RES/69/170 révèle d’une importance capitale. Elle permet d’allumer les projecteurs sur une catégorie de personne sans voix, rejetée, discriminée, marginalisée, harcelée, stigmatisée, à priori par la société. Aussi est-il, cette journée autorise d’entamer le processus de changement de regards sur l’albinisme. C’est-à-dire, promouvoir les vraies valeurs des personnes vivant avec l’albinisme en dépit des fausses croyances (mythes), et préjugés. Une telle initiative facilite la vulgarisation de la connaissance par l’éducation (sensibilisation) des sujets atteints ou non atteints d’albinisme. En outre, cette journée sert de catalyseur à l’avancement des recherches scientifiques dédiées à l’albinisme. Sur le plan juridique, la date du 13 juin peut être considérée comme le début du recouvrement des droits inaliénables et inhérents aux personnes frappées d’albinisme selon les vœux de la déclaration universelle des droits de l’homme. Enfin, je veux décrire cette journée internationale de sensibilisation par l’emprunt du titre d’un album de Kalash Criminel (artiste Albin. Africain) intitulé:« un but en or ». Donc, C’est un but en or.

4- Rachel : Quelle est la situation des personnes atteintes d’albinisme en Haïti ? Puis au Cap-Haitien ?

Jhéry : Malheureusement, les données statistiques sur la situation des personnes atteintes d’albinisme en Haïti sont quasi inexistantes. Et cela peut être considéré comme un handicap a une analyse quantitative de la situation. D’ailleurs, même le rapport du 18 juillet 2019 de Mme Ikponwosa Ero (première experte indépendante de l’ONU sur le droit des personnes atteintes d’albinisme dans le monde) ne révélait aucun chiffre pour Haïti. Selon l’experte, la plupart des personnes atteintes d’albinisme vivent dans des zones reculées non urbaines. En Haïti, Sur le plan administratif, les organismes d’État responsables de la protection des droits albinos sont les suivants : le BSEIPH (Bureau du Secrétaire d’État à l’intégration des personnes handicapées) et l’OPC (Office de Protection des Citoyens).Par ailleurs, la loi du 13 mars 2012 sert de cadre légal aux personnes handicapées en général. Cependant, notre législation ne connait pas encore de lois spécifiques à la situation des personnes atteintes d’albinisme.  Socialement, la situation est critique. Absence de programme national de santé appropriée (consultation dermatologique, ophtalmologique, psychologique. Distribution de kits spéciaux : lunettes anti-UV, crèmes solaires, vêtements adaptés, etc.). Il reste à examiner que la plupart des institutions à vocation éducative (école, université…) n’ont pas de matériels didactiques adaptés (loupe, ordinateur avec logiciel d’agrandissement, table ou pupitre incliné…). Psychologiquement, les personnes frappées d’albinisme sont sous estimées, harcelées, stigmatisées, discriminés par la société. Sur plan sportif, Elles sont négligées. Sur le plan politique, personne d’entre elles ne se porterait déjà candidat. Encore faut-il parler d’occupation de poste électif ?

Néanmoins, dans le secteur culturel et artistique, l’épanouissement des personnes atteintes d’albinisme est plus ou moins observé. On peut citer comme exemple parmi tant d’autres, deux musiciens avec albinisme populaires sur la scène haïtienne (James Germain, Censiny Blanchet).

En ce qui a trait à la confession religieuse, les personnes atteintes d’albinisme choisissent librement leur foi. C’est aussi un point fort. Dans la fonction publique haïtienne, leur représentativité est mince (négligeable, minime).  En dépit, de tous ces constats, la violence physique sur les PVA (personnes vivant avec albinisme) n’est pas monnaie courante chez nous. De plus, on peut citer au moins deux institutions (ALBHA : fondation, RESBAH : Organisation) œuvrant pour la cause des PVA. Sans doute, d’autres organisations de ce genre seront instituées.

Au Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays la situation est pratiquement la même. Seulement, on constate généralement qu’en milieu urbain la tolérance est sensiblement plus élevée face aux PVA. Plusieurs facteurs peuvent être mis en relief : le niveau de culture, l’éducation… Pou fini, san prejije nap di ke moun ki nan vil yo ta sanble pi ouvè (eklere).

5- Rachel : Comment vivez-vous votre albinisme ?

Jhéry: Parler de mon albinisme devrait faire couler beaucoup d’encre. Parce que pour moi, l’albinisme est toute une vie. Autrement dit, un mode de vie. Ce sont mes vécus au quotidien. C’est comme un théâtre, un cinéma, un film d’Hollywood où je deviens l’acteur principal avec des rôles différents à jouer, face à des situations différentes. Dépendamment de mon interlocuteur, je me comporte en Jesifwa (comédien), Socrate (philosophe), La fontaine (moraliste), Gandhi (non-violence, tolérance) pour ne citer que cela. Rire.  Comme tout être humain, les aventures du quotidien ne sont pas toujours idem .C’est pourquoi, on dit souvent que la vie a des hauts et des bas, certes. De plus, la sociologie énumère plusieurs facteurs pouvant influencer le comportement d’une personne en société. Par exemple : l’environnement où grandi la personne (milieu), l’éducation reçue, les évènements vécus, etc.   

Au sein la famille, j’ai eu l’heureux privilège d’expérimenter l’amour de mes parents envers moi (ils nous aiment tous).Leur bienveillance me protège d’un côté et leur sévérité m’oriente (correction) de l’autre. Pour réprimander les harcèlements des autres à mon égard, papam di : « al fè wout ou, kite ti gason an repo » bref !  Dès mon plus jeune âge, on a  pris le soin de m’inculquer le respect, l’honnêteté, la tolérance (papam te konn relem mouton dou.), la loyauté, l’estime de soi  et l’objectivité (Papam toujou ap dim : « okipe afèw, pa okipe moun kap kanpe gadew »). En depit du support moral bénéficié et des talents possédés, la timidité m’enveloppait énormément, ceci, jusqu’à la fin de mon adolescence. Mwen pat renmen bay opinyonm, mwen plis renmen obsève. Sa ki pi bèl la, lèm al jwe mizik (Gita bas) m te pi konfòtab kote anpil moun pap twò wèm.

À la manière de tout individu, je mène une vie normale. En conséquence, je participe dans toutes les activités de la vie courante. Exception faite aux activités jugées immorales, illégales, déloyales, illicites et contraires à ma foi. Étant l’ainé, des responsabilités me sont généralement confiées au sein de la famille. Il en est de même à l’extérieur dans les autres institutions de socialisation adhérées (l’église, l’école, association…) Ainsi, j’avoue humblement que ces activités de la vie courante façonnent en moi un leadership potentiel.

Influencé par les éclectiques, je prends toujours le meilleur côté des choses. L’albinisme fait de moi une personne réputée populaire (je suis connu comme le loup blanc) avec une identité remarquable sans être un élément d’Algèbre (rire). Partout où je passe, tous les regards me sont fixés, comme une star de cinéma.

En ce sens, une amie m’a dit une fois : «  Jhéry ! j’aime marcher en ta compagnie parce qu’à tes cotés tout le monde me connait » (Rire).  Il est bien vrai qu’à travers mon albinisme, je priorise les aspects positifs. Cependant, je ne peux pas terminer sans mentionner les contrastes de ma vie  d’albinisme. Ce serait irréaliste de ma part. D’ailleurs, le manichéisme ou dualisme admet la coexistence des contraires. Anpil fwa nan la ri a moun yo itilize anpil mo devalorizan pou diskrimem tankou : Blan mannan, blan poban, blan mizè, pitit klamèy, albinòs (pejoratif), blankoz ( rire), elatriye. Men, lè fè sa pwodwi, mwen adòpte konpòtman kem te site yo (moralis, komedyen, pwofesè) tou depann de atitid moun ki devanm nan. Konsa mwen kenbe moral mwen wo e pouswiv objektif mwen yo. À noter que, votre altitude dépend de votre attitude.

En définitive, je vis mon albinisme avec un mental fort. Comme un optimiste convaincu. Je deviens inébranlable face aux moqueries. Le dépassement de soi, la tolérance, la résilience et l’adaptation se sont renforcées en moi. Selon le vieil adage : « on ne peut chasser le naturel. » Je vois en mon albinisme une source de bénédiction, de motivation et d’encouragement. Je suis comme les autres, une créature merveilleuse qui embellie et enrichie la diversité de l’espèce humaine. Je m’efforce à être un modèle de réussite pouvant influencer positivement l’inclusion des PVA au sein de notre société.

6- Rachel : Comment comptez-vous améliorer la situation des albinos au Cap-Haitien d’abord?

Jhéry : Depuis quelques temps, défendre les droits des personnes vivant avec l’albinisme  devient ma principale préoccupation. En conséquence de quoi, je me lance dans une vague de sensibilisation par moyen des postes et commentaires via les réseaux sociaux (Facebook, whatsapp). D’un côté, je me lance dans une campagne de sensibilisation à l’égard des personnes non porteurs d’albinisme (approche individuelle, conférence pour groupe de jeunes, prise de position dans des débats concernant l’albinisme). D’un autre côté, à Cap-Haitien, je développe généralement des liens d’amitié avec  des personnes atteint d’albinisme rencontrées. Le but est de les conscientiser sur leur potentialité, les encourager face aux différents problèmes auxquels elles font face, les motiver d’avantages et de partager certaine expérience personnelle.

Attention ! Ce n’est pas un mouvement raciste. Mais plutôt, je comprends justement la nécessité de donner ma contribution pour bâtir une communauté de personne albinisme forte dans le nord, pourquoi pas en Haïti.

 En sommes, notre perspective vise à intervenir pour consolider l’inclusion d’une communauté d’albinisme jouissant pleinement de leur droit. Selon l’idée du thème retenu pour la célébration du 13 juin cette année « l’inclusion fait la force ».

7-Rachel : Quel serait votre dernier mots ?

Jhéry : Selon le vieux dicton, « quand on boit de l’eau, il faut penser à la source ».  Par ces mots, je tiens à remercier  le staff d’ HAPPINESS COMMUNICATION pour cette noble opportunité offerte à mon humble personne question de partager mon opinion avec le public. Par ailleurs, je vous félicite Rachel pour cette belle initiative qu’est HAPPINESS COMMUNICATION. Enfin, j’envoi des mots de gratitude à l’égard de toutes celles qui ont contribué à faire de moi ce que je suis.

Rachel :  De rien Jhery ! Merci à vous aussi.

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3 Comments

  • Je dis merci à Rachelle et mon cher ami JJ pour le partage d’une telle échange sur l’albinisme.

    Toutes mes félicitations à vous deux et à toute l’équipe d’Happiness Communication !

  • Je dis merci à Rachelle et mon cher ami JJ pour le partage d’un tel échange sur l’albinisme.

    Toutes mes félicitations à vous deux et à toute l’équipe d’Happiness Communication !

    • De rien cher! L’équipe travaille à ce que le site soit meilleur de jour en jour.

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