UNE DIASPORA DÉRACINÉE NAÎT, MARQUÉE PAR L’EXIL ET L’OUBLI DE SOI

Ils sont nombreux à porter le drapeau haïtien dans leur cœur… mais sans jamais avoir appris ce qu’il représente vraiment. Une nouvelle génération de jeunes migrants haïtiens est en train d’émerger à travers les Etats-Unis d’Amérique, une diaspora déracinée, marquée par l’exil précoce, la fuite forcée, et l’oubli progressif de leur identité nationale. Prenons le cas de Kendi, un jeune homme aujourd’hui installé aux États-Unis, en est un symbole troublant.

Kendi a quitté Haïti à 18 ans, mais son enracinement au pays était déjà fragile. Originaire du sud, il n’a pas eu la chance de terminé l’école primaire. Dès l’adolescence, il est enrôlé dans une machine politique locale, manipulé par l’entourage d’un sénateur influent. Son rôle, bloquer les rues, créer le chaos pendant les périodes électorales ; faire pression sur les habitants dans les quartiers populaires pour servir les intérêts malsains d’un parti politique. Lors d’un affrontement, un membre du camp adverse est gravement blessé. Par malchance, la victime connaissait personnellement Kendi. À sa sortie de l’hôpital, elle jure de se venger. Pour sauver leur fils, les parents de Kendi l’envoient en République Dominicaine, où il séjourna un mois avant de rejoindre le Chili où il demeura pendant huit années consécutives à faire des petits boulots pour se tirer d’affaire. Aujourd’hui, voilà trois ans maintenant depuis qu’il a migré vers les États-Unis, où il vit sans statut clair, ni avenir défini.

Interrogé sur son pays d’origine, Kendi répond avec désinvolture et hargne : “Haïti ? C’est le pire pays au monde. Il n’y a rien là-bas. Rien à espérer.” Il ne connaît ni l’histoire de 1804, ni le nom des grandes provinces, ni les repères culturels de son peuple. Il parle un créole approximatif plus proche de l’espagnol des rues, difficilement compréhensible pour ses compatriotes. Quant au français, langue officielle de son pays d’origine, lui est complètement étranger.

L’exemple de Kendi est loin d’être un cas isolé. Des milliers de jeunes Haïtiens, partis trop tôt, sans bagage éducatif, sans encadrement culturel, et sans lien réel avec les institutions nationales, se retrouvent aujourd’hui étrangers à leur propre culture. Ils sont souvent polyglottes, mais sans maîtrise académique d’aucune langue ; connectés à plusieurs mondes, mais n’appartenant pleinement à aucun.

Ce déracinement produit des conséquences graves entrainant la perte de conscience historique et citoyenne, le rejet progressif d’Haïti, la désintégration sociale au sein de la diaspora, l’absence d’une relève engagée, jusqu’au mépris éhonté pour tout ce qui touche de près ou de loin à Haïti. Sans oublier que fort souvent, ils choisissent des partenaires étrangers pour leur foyer et leurs progénitures. Le constat effrayant qui s’impose à nous aujourd’hui, c’est que le jour où cette génération déracinée grandissante devient majoritaire dans la diaspora haïtienne de demain, Haïti risque de perdre définitivement une part précieuse de sa force vitale à l’extérieur.

Face à cette fracture silencieuse, il est urgent d’agir. Des initiatives éducatives, culturelles, citoyennes et numériques doivent être mises en place, non pas uniquement pour les Haïtiens en Haïti, mais aussi pour ceux qui sont partis trop jeunes, sans avoir été formés. Des plateformes en ligne, des centres culturels dans la diaspora, des cours d’histoire et de langue adaptés, des programmes de reconnexion à ses racines et aux vraies valeurs haïtiennes, sont autant de moyens de réancrer ces jeunes dans leur héritage identitaire.

Car une diaspora forte commence par une conscience claire de soi-même et de son origine. Sans racines, aucun arbre ne peut vraiment porter de fruits conséquents et valables.

Une réflexion à approfondir…

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