L’EAU POUR LA PAIX EN HAITI

L’accès à l’eau potable est l’un des droits fondamentaux de la personne humaine. Le droit international des droits de l’homme fait obligation à tous les États de s’engager en faveur de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement à tous les citoyens de leur territoire sans aucune discrimination. Les éléments fondamentaux du droit à l’eau et à l’assainissement sont la disponibilité, l’accessibilité, l’abordabilité, la qualité et la sécurité, l’acceptabilité. Les pays où ce minimum est respecté, les citoyens jouissent de ces cinq caractères fondamentaux de l’accès à l’eau. L’eau est là et partout, elle arrive en permanence dans chaque ménage indistinctement par le biais des robinets dans leur salle de bain et dans leur cuisine, le prix d’achat des différents récipients est abordable pour la population, elle ne fait pas obstacle à la santé des consommateurs, donc elle est acceptable. Chaque 22 mars, on célèbre la journée mondiale de l’eau. A l’occasion de cette journée, l’équipe de Happiness Communication s’arrête un moment pour faire un point afin de tirer la sonnette d’alarme des futurs dirigeants.

En effet, tout comme l’insécurité alimentaire, l’insécurité hydrique en Haïti est un fléau accablant. En quelque sorte, l’accès à l’eau est un luxe dans la première république noire du monde en 2024. L’eau n’est pas en dehors de la longue liste d’inégalités sociales qui font du pays deux mondes distincts. Ceux qui ont la possibilité ne souffrent point pour trouver de l’eau potable à boire quotidiennement ou pour prendre librement plusieurs bains par jour. Par contre, ceux qui n’ont pas du tout les moyens doivent marcher des kilomètres pour s’offrir une « bokit » d’eau, et une fois arrivés au tuyau public, ça peut leur coûter des heures voire quelques coups de poings pour pouvoir remplir leur récipient à cause de la foule déjà présente qui en a aussi follement besoin. Selon la banque mondiale, sur tout le territoire haïtien, seuls 12 % des ménages ont accès à l’eau potable sur leur lieu de résidence. Un inventaire national réalisé en 2017 sur les infrastructures précise qu’il existe des dissemblances extraordinaires au sein même des départements. Dans la Grande-Anse par exemple, l’accès à l’eau se situe autour de 28% alors qu’il est autour de 52% dans les départements du Sud et Centre. Dans la Capitale, la classe moyenne s’offre des citernes d’eau vendues à des prix relativement élevés pour conserver dans leur réservoir appellé couramment « château d’eau » afin de se baigner, faire la lessive, préparer la cuisson etc.. Cette eau conservée pour environ un mois est la plupart du temps polluée dans les réservoirs qui ne sont pas nécessairement bien nettoyés. Certains consommateurs avisés en ajoutent du chlore, mais cette proportion de chlore ajoutée n’est pas en réalité adéquate, d’où la raison des infections vaginales chroniques de beaucoup de femmes. Il existe encore des endroits en Haïti où des gens se baignent avec beaucoup de précaution à l’aide d’un morceau de tissus et seulement un gallon d’eau. Tout ceci résume l’incapacité de l’État haïtien depuis plusieurs années à gérer correctement le domaine de l’eau à travers les institutions concernées. Néanmoins, la Direction nationale de l’eau potable (DINEPA) créee par la loi cadre de mars 2009 portant sur la reforme et l’organisation du secteur de l’eau potable et de l’assainissement contrôle tant bien que mal la distribution de l’eau dans le pays. Mais, ces démarches insuffisantes n’arrivent guère à couvrir tous les critères internationaux du droit à l’eau. Ainsi, le commerce de l’eau devient de plus en plus fréquent en Haïti depuis plus d’une décennie. Si l’entrepreneur ne vend pas des camions d’eau, il vend de l’eau traitée par osmose inverse dans une station, ou il ouvre une usine de vente d’eau en sachet. Le problème d’accessibilité fait que la population en achète librement sans toutefois se soucier du contrôle de qualité. On se demande, si l’élément de sécurité est respecté dans la commercialisation populaire de l’eau en Haïti, considérant que l’eau vendue soit en sachet ou en gallon présente parfois des goûts différents et bizarres d’après ce que rapportent certains consommateurs. En dépit de tout, l’offre et la demande ne s’entendent pas. Le stress hydrique est toujours en hausse dans les grandes villes à cause de la croissance démographique exponentielle et de l’exode rurale. Trouver de l’eau sans se casser la tête est encore un rêve.

Protection juridique du droit à l’eau

La protection juridique du droit à l’eau peut être largement prouvée dans cet article. Plusieurs documents juridiquement contraignants défendent clairement le droit à l’eau parce qu’il fait partie intégrante et solennelle des droits de l’homme. Le droit à l’eau garantit sans aucun débat la santé, le bien-être, et la dignité humaine. L’eau participe à la bonne marche du cerveau, il booste la concentration et procure de l’énergie. Un bon bain diminue le stress, la fatigue, stabilise la confiance en soi, assure l’intégration sociale donc soutient la dignité humaine. L’accès à l’eau potable est mentionné de manière explicite dans le Pacte des Droits Economiques, Sociaux et Culturels (PIDESC) de 1966 parmi les droits qui assurent la dignité humaine tels que les droits à la santé, à l’alimentation, à l’éducation, au loisir, au logement décent et à un niveau de vie suffisant. Plus loin, il est aussi apparu dans deux Conventions internationales largement ratifiées. Il s’agit de la Convention internationale contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes de 1979, et la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989. L’article 14 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes stipule que «Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans les zones rurales afin d’assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, leur participation au développement rural et à ses avantages et, en particulier, ils leur assurent le droit de bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications». Et l’article 24 de son côté de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant stipule « Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Les Etats parties s’efforcent d’assurer la réalisation intégrale du droit susmentionné et, en particulier, prennent les mesures appropriées pour lutter contre la maladie et la malnutrition, y compris dans le cadre de soins de santé primaires, grâce notamment à l’utilisation de techniques aisément disponibles et à la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel». Mis à part l’apparition du droit de l’eau dans ces grandes conventions internationales, il est aussi pris en considération dans quelques instruments régionaux tel que la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant à l’article 14 où il est dit « Tout enfant a le droit de jouir du meilleur état de santé physique, mental et spirituel possible. Les Etats parties à la présente Charte s’engagent à poursuivre le plein exercice de ce droit, notamment en prenant les mesures aux fins ci-après: Assurer la fourniture d’une alimentation adéquate et d’eau potable». L’article 22 de la déclaration universelle des droits de l’homme précise «Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays » Et l’article 19 de la Constitution haïtienne dit que « L’Etat a l’impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ».

Malheureusement, malgré toutes les preuves de protections juridiques nationales et internationales sur le droit à l’eau, Haïti n’arrive pas à faire preuve de respect et d’engagement face à ce droit fondamental en raison de l’absence d’une bonne politique publique.

L’eau pour la paix

L’Objectif de développement durable #6 des Nations Unies vise un accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement d’ici 2030 notamment pour les population les plus vulnérables. L’objectif vise également la gestion durable de cette boisson indispensable. Mais, «L’eau pour la paix » est le thème choisi pour la journée mondiale de l’eau de 2024. Comme nous venons de le mentionner tantôt, l’indisponibilité et inaccessibilité de l’eau sont des sources sûres de conflit. Une bonne prise en charge du droit à l’eau peut éviter des querelles dans les ménages, et dans certains quartiers. Le choix de ce thème est pour attirer l’attention des acteurs socio-politiques mondiaux et des sociétés civiles que l’eau, lorsqu’elle est sous le contrôle d’un État responsable et efficace, peut procurer la tranquillité d’esprit de la population, en quelque jouer un rôle important dans la prévention des conflits et le maintien de la paix. En revanche, lorsque l’eau est inégalement répartie, polluée et gaspillée, elle ne fait qu’augmenter la liste des frustrations sociales. Par exemple, nos inondations saisonnières dues aux déboisements intempestifs provoquent toujours des tensions et agitations populaires à cause des pertes humaines et matérielles. Par conséquent, le droit à l’eau a besoin d’un endossement étatique sérieux pour être réellement effectif. L’eau ne doit pas être manquante, elle ne peut pas être de trop non plus. Chez nous, après quelques gouttes de pluie, nous avons trop d’eau, trop d’eau que nous n’avons pas besoin pour notre tranquillité sociale. La journée mondiale de l’eau va certainement être inaperçue parce que depuis plus d’une semaine, le pays est en pilotage automatique, pas de Président, pas de premier Ministre. Cependant, pour un avenir plus radieux concernant l’accès équitable à l’eau, les autorités doivent reconnaître que l’établissement du droit à l’eau doit commencer par la mobilisation d’une bonne politique publique de l’eau.

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2 Comments

  • Ce sujet est d’une importance capitale. Nous devons agir au plus vite et lutter pour ce droit.
    Merci Rachel.

    • Y a des sujets dont on ne parle que rarement en Haïti.

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