Depuis la nuit des temps, les hommes se déplacent pour de multiples raisons d’un pays à un autre sur toute la surface terrestre. Parfois ces changements de pays durent toute une vie pour les déplacés dans le pays qui n’est pas le leur. Ainsi, beaucoup d’enfants sont nés dans différents endroits du monde, de parents venus d’horizons divers. La plus grande migration connue jusqu’à date se trouve dans la bible. C’est la traversée du peuple Israël d’Égypte à Canaan avec Moïse comme Leader.
En effet, depuis le siècle dernier, le monde a connu des déplacements massifs des peuples vers d’autres contrées. Par exemple, en 1944, Joseph STALINE, ce redoutable dirigeant soviétique avait accusé le peuple tchétchène d’avoir favorisé les Allemands lors de la Seconde Guerre mondiale. Par conséquent, le peuple tchétchène avait été contraint de quitter leur territoire vers l’Asie centrale. Lors de cette pénible traversée, plus d’un tiers de ces voyageurs forcés ont été tués. En 1975, à cause du Communisme insupportable, des millions de Vietnamiens ont fui leur pays vers les Etats-Unis dans des conditions effrayantes notamment par voie maritime où la plupart d’entre eux ont été noyés, morts de faim, de dépression, victimes des intempéries meurtrières dans leurs bateaux de fortune. Dans les années 80, victimes de l’incertitude socio-politique après l’envahissement de l’Union soviétique, à peu près 2.8 millions d’Afghanistans ont dû s’échapper vers l’Iran et le Pakistan. Par ailleurs, le rapport de l’OIM (Organisation internationale de la Migration) stipule que 281 millions de personnes vivaient dans un pays autre que leur pays de naissance en 2020, soit 3,6 % de la population mondiale. Ce qui signifie que le nombre de déplacés mondiaux a largement augmenté ces cinquante dernières années.
Notamment pour des raisons socio-économiques et socio-politiques, les gens abandonnent plus particulièrement leur territoire de naissance. Haïti, malgré son état de décrépitude actuel, accueillait par le passé d’incalculables migrants économiques venus d’horizons lointains à la recherche d’une vie meilleure. On peut dire que la migration reste et demeure une décision essentiellement majeure dans la vie de quelqu’un, pour quelque soit la cause. Ces décisions sont toujours prises à contre-cœur du fait que cela implique la séparation fracassante ou forcée avec son habitat naturel. Le plus souvent, ces vagues de migrations relient les pays pauvres, ou en voie de développement aux pays riches et industrialisés comme les Etats-Unis, l’Europe, la Russie. Néanmoins, tous les continents confrontent aussi leur lot de migrations massives et excessives. Toujours selon l’OIM, de 2000 à 2020, le continent asiatique est celui qui a connu le flux migratoire le plus spectaculaire de l’histoire, soit de 74%, ce qui veut dire la somme de 37 millions de personnes environ y ont débarqué. Il est suivi par l’Europe, qui a connu une augmentation de 30 millions de migrants internationaux, puis par l’Amérique du Nord, pour sa part qui a connu une élévation de 18 millions de migrants internationaux et finalement par l’Afrique qui a reçu près de 10 millions de nouveaux venus internationaux. Durant ces odyssées, les enfants ne sont pas absents, parfois ils ne sont même pas accompagnés d’un parent. On les appelle « Enfants mineurs non accompagnés »
Du côté des haïtiens, la République dominicaine, les Îles turques, le Canada, les États Unis ont toujours été les plus grands dépôts d’immigrants haïtiens dans le monde. Le géographe haïtien Georges ANGLADE pensait que notre première plus grande vague d’abandon du territoire de naissance était dirigée vers la République dominicaine dans le contexte de l’occupation américaine. C’est-à-dire vers les années 1915-1934.
La plupart de ces voyageurs étaient devenus des « coupeurs de canne » pour le compte de l’économie sucrière dominicaine. Encore selon le géographe, la deuxième explosion phénoménale de migrants haïtiens serait provoquée par la dictature atroce des Duvalier de 1957 à 1986 vers le Canada, les États-Unis (Afrique du Sud aussi). Mais, depuis environ une décennie, les migrations haïtiennes sont devenues de plus en plus folles et suicidaires. Les pays de l’Amérique du Sud, précisément le Brésil, et le Chili sont devenus le théâtre d’invasion massive de déplacés haïtiens. Avec la montée exponentielle de l’insécurité, les crises socio-politiques incessantes, les citoyens haïtiens se ressoudent finalement de faire leur mallette vers n’importe quel endroit du monde. Les moins avisés partent sans même s’informer de la politique migratoire de certains pays qu’ils choisissent d’y aller. C’est le cas de la Turquie qui constitue une migration fastidieuse et regrettable parce que, une fois arrivés sur ce territoire, leur incontestable délivrance est de retourner chez eux vue l’enfer qui y est.
Le leadership naturel des migrants
Normalement on dit « Migrant ou émigré ». La définition proposée par l’Organisation internationale des migrants (OIM) est la suivante “Toute personne qui quitte son lieu de résidence habituelle pour s’établir à titre temporaire ou permanent et pour diverses raisons, soit dans une autre région à l’intérieur d’un même pays, soit dans un autre pays, franchissant ainsi une frontière internationale ». Leadership de son côté est la capacité d’une personne à diriger d’autres personnes, à les conduire vers la réalisation de certains objectifs, à les influencer soit sur le plan émotionnel, économique et social. A travers cet article, nous allons essayer de faire ressortir le leadership automatique des migrants sur leur famille laissée en Haïti. Que l’on veuille ou non, les migrants qui ont des responsabilités économiques et morales envers leurs proches, ont pour devoir d’exercer ce rôle avec beaucoup d’intelligence pour ne pas causer toutes sortes de pertes. La famille est le noyau de la société, si les familles elles-mêmes ne peuvent pas résoudre certains défis émotionnels et économiques, comment voudrait-on que le pays à l’échelle macro connaisse le progrès ?
En réalité, ce ne sont pas seulement les migrants haïtiens qui ont une redevance envers leurs familles en Haïti. La diaspora africaine en France envoie aussi des provisions de toutes sortes, et des transferts à grande échelle à leur famille vivant en Afrique. La France a transféré en 2018, 8 milliards de dollars vers l’Afrique. Depuis toujours, la diaspora haïtienne demeure le véritable pourvoyeur de fonds d’Haïti. La diaspora haïtienne a largement contribué en l’éducation de beaucoup d’haïtiens et d’haïtiennes. Beaucoup de nous sont devenus ce que nous sommes, c’est grâce à la main bienveillante d’un parent à l’étranger. Pour preuve, les transferts de la diaspora haïtienne ont totalisé 3,8 milliards de dollars en 2023, selon l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI). Mais, c’est avec beaucoup de frénésie que l’on constate que l’État haïtien à travers le Ministère de l’économie et des finances ne lève pas le petit doigt afin de canaliser les transferts de la Diaspora vers un développement socio-économique durable du pays notamment en ce qui a trait aux dollars points 50 centimes perçus sur chaque transfert. Il n’existe pas une journée sans qu’un transfert ne soit fait vers Haïti. Ces envois arrivent de la part de n’importe qui. L’expéditeur/trice peut être une mère, un père, un grand frère, une sœur, un oncle, une tante, une cousine, un ancien voisin, un/une condisciple, une personne rencontrée vaguement sur les réseaux sociaux, un « ménage ». Cependant, sur le plan familial, ce devoir devient infaillible et plus sérieux. L’aîné (e) d’une famille a une grande responsabilité vis-à-vis de sa maman et de ses petits frères sœurs vivant en Haïti. Du coup, un cousin ou une cousine peut aussi s’autoriser à bénéficier quelques aides (parfois de manière abusive) de ce même « Tèt fanmi ». C’est ainsi que quand on laisse son pays pour aller s’installer dans un pays richement développé, on devient la visée de la famille laissée restée en Haïti. On devient du coup le leader économique et moral de la famille.
Malheureusement, cette gouvernance familiale n’est pas toujours intelligemment assumée. Avec un peu de chance, si un migrant-Leader a une bonne compréhension de la sociologie haïtienne, et une bonne dose d’intelligence émotionnelle, il pourra mieux canaliser son pouvoir naturel. Tous, nous savons que la plupart des compatriotes haïtiens ont tendance à emprunter n’importe quel moyen pas très honorable, quand ils veulent soutirer un petit « kichòy » de quelqu’un. Ainsi, beaucoup de « Diaspora » se sont laissés influencer par des colporteurs de commérages agissant dans le but de couper les vivres d’autres personnes. Également, la plupart de ces mêmes « Diaspora » se sont fait avoir par des membres de leur famille ou des connaissances malhonnêtes. Un tas d’histoires pour le moins choquantes se passent tous les jours entre les immigrants et des gens en Haïti. Nous proposons humblement à travers cet article, quelques suggestions aux migrants haïtiens (surtout les plus récents) pour le déroulement des rapports sains et productifs avec leurs familles et connaissances en Haïti.
1. Bonne connaissance de soi
Toute personne avisée a une connaissance limpide d’elle-même. Il est également très important pour une personne qui a laissé son pays, ses affaires, ses proches pour s’installer dans un autre pays de prendre du temps de qualité pour se faire un verdict objectif d’elle-même. Plusieurs recherches psychologiques démontrent que les gens qui se connaissent sont plus intelligents, construisent des relations plus solides, et font des leaders plus efficaces. Apprendre à se connaître, ce n’est pas se regarder dans un miroir afin de déceler tous les infirmes détails de son visage ou bien appréhender sa morphologie, ou du moins connaître ses goûts. C’est un voyage profond à l’intérieur de soi. Un émigré qui a une bonne connaissance de soi a d’abord conscience de lui-même pour donner une bonne direction à sa vie dans le pays d’accueil. Pour se faire, l’émigré doit réaliser un inventaire de sa situation individuelle en prenant la précaution de ne pas se laisser influencer par un mouvement de foule. Il doit mettre sur la table son bilan de santé physique, son bilan de santé mentale, sa situation familiale et son niveau de responsabilité, son niveau d’éducation, sa situation économique, ses forces, ses faiblesses, ses opportunités, ses menaces, ses objectifs à court, moyen et long terme. Il doit penser aussi comment il pourrait contribuer au développement de son pays d’origine à l’avenir. Ces points peuvent bien sûr être efficacement modifiés avec le temps, mais ils doivent faire au préalable l’objet d’une grande priorité. Un migrant intelligent ne peut ne pas avoir avec lui ce « package » qui va constituer sa boussole. Cette étude personnelle lui permettra d’établir un leadership bénéfique sur sa propre vie en tant qu’immigrant, et sur ses dominés en Haïti.
2. Bonne connaissance de son entourage familial
Un migrant qui a des responsabilités automatiques envers les siens en Haïti doit prendre le temps de connaître la personnalité de chaque membre de sa famille. Il est fondamental que son sens d’observation, son écoute active, sa capacité d’analyse et de synthèse, sa mémoire soient nettement aiguisées. Ces qualités mises en branle vont l’aider à prendre des décisions justes et équitables par rapport aux potentielles malversations des flatteurs, des abuseurs et des filous.
3. Bonne routine interpersonnelle
On trouve beaucoup de migrants indisciplinés non seulement dans leurs interactions avec leurs proches mais aussi avec eux-mêmes dans le pays d’accueil, aux Etats-Unis plus précisément. Le migrant-leader doit établir des relations structurées avec son entourage notamment par rapport à sa proximité émotionnelle avec chacun d’eux. Le niveau de relation qu’il/elle entretient avec sa mère ne peut pas être le même avec celui qu’il/elle a avec une tante. Tout le monde ne peut pas se permettre de le contacter à tout bout de champ surtout pour raconter n’importe quoi. En tant que Leader, il/elle doit aussi orienter ses proches dans la compréhension de ses plans d’avenir pour lui et pour eux. De loin, il peut leur inculquer des notions du vivre-ensemble, de respect et de progrès. Son influence doit être disciplinée et productive.
4. Bonne gestion de sa bienveillance.
Être migrant ne veut pas automatiquement dire qu’on devient une vache à lait pour sa famille et ses amis de son pays d’origine. C’est en ce sens que beaucoup de citoyens estiment que la diaspora haïtienne est parfois trop avenante envers les proches en Haïti qui sont tellement devenus confortables, bannissent l’effort personnel. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la dépendance économique systématique du peuple haïtien envers la diaspora, ne favorise nullement l’émergence d’une nouvelle classe sociale d’entrepreneurs. D’un autre côté, Le/la « Diaspora » doit pouvoir aussi se libérer de toute perception de « big boss » afin d’arrêter cette gâterie improductive. Bon nombre de migrants haïtiens s’enorgueillissent d’être le pourvoyeur dominant et incontestable de la famille et de certains amis afin d’établir leur hégémonie. Ils arrivent même parfois à soudoyer ou à corrompre des gens en Haïti. Nul n’est sans savoir que certains « Diaspora » sont aussi impliqués dans l’insécurité permanente dans la capitale par le financement des gangs armés. Normalement, la responsabilité économique et morale d’un migrant devrait être strictement limitée à ses véritablement ayant droit. Accidentellement, s’il le veut, il pourrait aider quelqu’un dans un projet bien élaboré. « Who got my money ?» « What’s my money going to do ?», ces questions devraient titiller un immigrant intelligent à chaque fois qu’il se trouve devant un bureau de transfert.
5. Bonne prise en charge de sa santé mentale
En réalité, bon nombre de migrants haïtiens ne tiennent pas compte de leur santé mentale. Changer de pays, s’y installer, se faufiler quotidiennement, vivre les pressions des dépendants est déjà une grande épreuve psychologique que les personnes laissées au pays d’origine ne cernent pas. Pour la plupart des immigrants, ce stress est si lourd qu’ils arrivent à développer des maladies cardiovasculaires sur le long terme. D’ailleurs, immigrer aux Etats-Unis est une affaire complexe dépendamment où est hébergé. D’autres facteurs post-migratoires engendrent aussi des risques élevés de défaillance de la santé mentale, par exemple le chômage, la nostalgie, l’adaptation compliquée etc… Dans le pire des cas, certaines personnes arrivent à se suicider. Ces phénomènes sont toujours mal interprétés par les proches. Or, ce sont des faits normaux du processus d’adaptation en pays étranger. L’intégration est tellement difficile pour certaines personnes qu’elles ont envie de retourner chez elles parce que tout le monde n’a pas la même capacité d’adaptation. Même après cette traversée difficile et inévitable, le stress des migrants continue surtout en ce qui a trait à leurs responsabilités familiales en Haïti, en dehors du stress plombant du pays d’accueil. Le fait d’entendre des gens se lamenter tout le temps a une incidence négative sur leur humeur. Les migrants haïtiens aux Etats-Unis surtout sont souvent confrontés à ces genres de situation. Tout le monde au téléphone a continuellement un besoin, parfois ce sont des besoins imaginaires. Un migrant avisé doit nécessairement conclure que la protection de sa santé mentale est une priorité et une responsabilité personnelle. Comme on l’a dit tantôt, en dépit de n’importe quelle critique ou commentaire négatif, un migrant qui veut assurer son mieux-être, doit épouser une discipline personnelle. Il doit éviter de se mettre trop de charge sur le dos. Il doit avoir une bonne philosophie de vie. Dans le pays d’accueil, il doit prendre soin de lui, surveiller son alimentation, faire de l’exercice, se faire de petits plaisirs de temps en temps au lieu de le faire aux autres, chercher à évoluer économiquement, s’écarter de temps en temps de son téléphone, lâcher-prise, vivre en quelque sorte.
Au résumé, quitter son pays pour quelque soit la cause est une décision difficile certes, mais qui peut être très bénéfique à la longue, si et seulement le/la déplacé (e) est assez perspicace pour comprendre tous les paramètres qu’engendrent son émigration, notamment en ce qui a trait à son leadership naturel.
Références:
| 1. | https://www.banquemondiale.org/fr/news/pressrelease/2022/11/30/remittances-grow-5-percent-2022 |
| 2. | https://www.afd.fr/fr/actualites/les-diasporas-africaines-un-partenaire-en mouvement. |
| 3. | https://www.ifad.org/documents/38714170/39269250/ffrflyer_f.pdf/2db96d52- 2221-42a4-a686-d65f245ef01c |
| 4. | Manuel de gestion du stress (OIM-ONU-Migration) |
| 5. | Guide d’autosoin pour la gestion du stress (Gérard LEBEL, Inf. Clinicien, MPs, MBA) |

Née au Cap-haïtien, je suis une Haïtienne restée attachée à ma ville natale. Mon penchant particulier pour les Sciences humaines et sociales s’accorde avec mes activités professionnelles en tant que Juriste en Droit de l’homme, notamment en Droits de l’enfant et en Droits des femmes. J’ai aussi reçu une formation en Journalisme et en Psychologie positive.
Mes goûts sont prononcés pour les activités artistiques et culturelles ( théatre, peinture, artisanat, dessin, danse, musique). Je me perds souvent à admirer des tableaux ou des œuvres d’art n’importe où. A l’adolescence, il me plaisait de chanter et de jouer au théatre à l’auditorium du Collège Régina Assumpta. Les restos, les spectacles, la danse sans toutefois aimer les bals, les documentaires, la lecture constituent mes loisirs préférés. Quant à l’écriture, elle remplit ma vie, et je ne m’en lasse jamais. Le sport ne me laisse pas aussi indifférente. Je suis fan de l’équipe d’Argentine, de Lionel Messi et de Golden State Warriors/ Stephen Curry.
Au bout du compte, mon caractère fébrile m’incite aussi à m’engager dans des activités communautaires afin de participer à l’élévation des mentalités. Je reste convaincue que Haïti peut renaître de ses cendres comme le Rwanda et bien d’autres pays dont les situations socio-économiques étaient pires que la nôtre.
YON JOU LA JOU !
