Comme annoncé, l’équipe de HAPPINESS COMMUNICATION, à travers son volet Inspiration, passera tout le mois de Mars à s’entretenir avec plusieurs femmes haïtiennes inspirantes. Aujourd’hui, elle est heureuse d’accueillir Gabrielle, une grande philanthrope capoise. Elle a vécu une enfance difficile au Cap, puis a immigré aux Etats-Unis après la classe de philosophie. En 2006, elle est revenue vivre au pays malgré les désaccords systématiques de ses proches. Depuis lors, elle se consacre à l’épanouissement intégral de la jeunesse montante par le biais d’une éducation riche, adaptée et pratique. L’Organisation, SONJE AYITI, dont elle occupe la Présidence, est installée à Limonade, dans le Nord d’Haïti. Elle se donne pour mission de travailler avec les enfants. Pour Gabrielle, le futur d’Haïti dépend de ces derniers. Dans un entretien solide, franc et encourageant, elle partage fièrement avec nous ses diverses activités sociales, laissant finalement croire qu’Haïti ne mourra point.
1- Bonjour Gabrielle, Comment allez-vous ?
Gabrielle: On essaie de se maintenir. Malgré tout, on ne va pas courber l’échine.
2- Pouvez-vous vous présenter à la Plateforme HAPPINESS COMMUNICATION s’il vous plait?
Gabrielle: Je tiens tout d’abord à remercier HAPPINESS COMMUNICATION pour cette opportunité. Je suis Gabrielle AUREL, originaire du Cap-Haitien, mère d’un garçon et d’une fille qui s’ajoutent aux autres enfants d’Haïti, formant ainsi une famille élargie que j’affectionne particulièrement. J’ai eu une enfance assez malheureuse. Orpheline de mère à 5 ans, j’ai appris à me battre seule au pensionnat des Pattersons à la Rue 15 E-F. J’ai connu la solitude dans cette maison bourrée de gens (enfants, jeunes, gouvernantes, etc.). La douleur de la solitude m’avait isolée, je ne jouais jamais avec les autres, pas de poupée, pas de contes les soirs, rien. C’est pourquoi jusqu’à présent, j’ignore bien des choses comme jouer aux cartes, aux dominos, monter à vélo, etc. Je noyais ma solitude dans les livres et j’étouffais mes émotions pour ne pas attirer la compassion des autres. J’ai su me battre seule. Mon instinct maternel est très poussé ; et, mon petit-frère m’a toujours considérée comme sa mère. Nous avons 16 mois de différence. Je m’oubliais pour répondre à ses besoins en tant qu’adolescente. Jusqu’à présent, je paie les conséquences de ces élans. C’est pour cette raison que je me dédie aux enfants et aux jeunes marginalisés. A les regarder, je me suis toujours dit que ç’aurait pu être moi. Tous les supports économiques de mon père ne pouvaient combler le vide de l’affection maternelle et paternelle qui me manquaient.
3- Vous avez vécu aux Etats-Unis auparavant et vous êtes retournée vivre en Haiti? Comment expliquez-vous ce revirement? Et comment ça va jusqu’à présent?
Gabrielle: J’ai dû quitter Haiti après le Bac pour les Etats-Unis, là où j’ai obtenu une licence en Computer Information Systems and Business Administration. J’ai travaillé à TJMaxx puis GA Department of Human Resources Division de Santé Publique en tant que Data Manager. C’était une expérience assez enrichissante dont j’ai tiré les outils professionnels nécessaires pour Haïti. La transition ou encore le revirement n’a été ni facile ni difficile.
Facile: Mon cœur était toujours attaché à Haiti. Pour moi, je n’avais jamais laissé le Pays. Malgré l’inexistence de liens familiaux ou d’amis proches sur le sol haïtien et bien que je fus étudiante à plein temps, j’économisais pour revenir chaque été sur ce coin de terre qui restait le mobile de toutes mes actions. La simplicité de la vie en Haiti me manquait énormément : les escapades chaque été à Port Margot, l’ambiance estivale, match de football, théâtre, les activités culturelles à la salle paroissiale, l’église adventiste, la rivière, la plage, les éclats de rire, la spontanéité des gens, leur sens de l’humour, l’odeur de la terre soulevée après les premières gouttes de pluie, le panorama, la cuisine, les konbits, etc. Tous ces souvenirs me hantaient l’esprit. Je dois vous avouer que le jour même où j’ai été accueillie à l’aéroport de Miami par mon père et mon petit-frère, lors de mon premier voyage aux Etats-Unis, rien du tout ne m’avait pas éblouie. Je n’ai pas connu l’effet WOW! J’étais tout de même contente de voir le niveau d’organisation de propreté à l’aéroport et autres. Mais, ç’est comme si dans mon subconscient, j’avais déjà vu tout ça dans un autre monde. Je savais pertinemment que ce pays n’était pas le mien et que j’allais m’efforcer de m’éduquer et travailler pour retourner chez moi. Ma décision de retourner en 2006 a plutôt été spontanée.
Difficile : J’avais 2 enfants en bas âge (3 et 4 ans) et je devais prioriser leur bien-être et protection. En 2006, la vague de kidnapping de 2004 à Port-au-Prince pesait encore lourd dans la balance. Je devais me relocaliser entre Haïti et Cincinnati, trouver un emploi pour soutenir ma famille , continuer de payer mes appartements en Haïti et à Cincinnati. Ma maison à Georgia était en vente pendant que le marché de l’immobilier plongeait. En plus des éternels sceptiques, il fallait affronter les découragements de parents et amis qui me prenaient pour une folle. Et, à force d’écouter ces conseils désobligeants, je commençais à me questionner. Suis je vraiment folle, Sa m ap vin fè Ayiti menm? Par nature, je suis rebelle, je sais me débrouiller toute seule. J’ai mûrement réfléchi sur la situation des immigrés incultes qui ont bravé les risques d’une traversée de l’océan pour débarquer à Biscayne, où ils allaient, même sans parler l’anglais, ouvrir la voie à leurs enfants, aujourd’hui médecins, avocats, professionnels etc. Certes, j’avais l’avantage de connaître la culture et la langue créole. Donc, il s’agissait simplement de foncer, de m’engager. Je saurai me comporter en digne fille d’Haïti afin d’encourager mes compatriotes à s’entraider pour faire fleurir et donner les grains que Dieu aura semés.
J’ai alors eu recours à la prière et, en Février 2006, avec la conscience tranquille, j’ai entrepris ce long voyage avec mes deux enfants qui ont fait leurs débuts scolaires au Cap-Haïtien. Si j’avais à le faire de nouveau, je le referais. Haïti a donné du sens à ma vie. Elle m’a appris à aimer passionnément, à être patiente et courageuse, à ne jamais baisser les bras devant les difficultés. La cerise sur le gâteau ! Mes enfants ont un amour inconditionnel pour Haïti qu’ils viennent visiter chaque année. Maintenant qu’ils sont tous deux à l’université, je vais fréquemment aux Etats-Unis. En ce moment, nous avons une Haïti d’où tout le monde veut s’enfuir à tout prix. Et, ça se comprend. Je souffre énormément de voir la quantité de jeunes brillants de mon équipe à avoir déjà laissé. Avec le phénomène Biden, je m’attends chaque jour à un texto ou un appel me disant “Mme Gabie, désolé je suis obligé de partir”. A ce moment, je dois me résigner en disant “Ça se comprend, Lancez-vous” Ça me blesse du plus profond de mon âme. Jusqu’à présent, je tiens le coup et je peux vivre n’importe où ; mais, la majorité n’a pas cette capacité. Advienne que pourra. Je choisis de me battre auprès de ceux qui ne seront jamais de la prochaine vague des immigrés afin de rendre ce pays vivable pour tous.
4- Maintenant parlez-nous du Projet Klere Timoun?
Gabrielle : L’Organisation, Sonje Ayiti que j’ai fondée en 2004 en Georgie et qui fonctionne en Haïti depuis 2007, a une école de Préscolaire au Secondaire avec un effectif de 347 élèves. L’objectif est d’outiller les élèves pour que chacun d’eux ait au moins un métier arrivé en 9ème AF. Depuis 2018, on s’est joint à Entre les Pages pour développer le programme Klere Timoun se Klere Lavni. On organise plusieurs ateliers de formation comme activités parascolaires où les enfants peuvent manifester leur créativité, assumer leur leadership, la bonne gouvernance et renforcer l’estime de soi. Nous avons 6 ateliers: Couture, Peinture, Craft, Arts Culinaires, Danse, Théâtre. Nous avons aussi le programme Ciné Changement chaque mercredi, des docu series facilitant les débats sur des sujets proposant des solutions viables pour transformer les communautés et le pays.
Les activités parascolaires nous ont permis d’exploiter un large éventail de produits et d’accessoires. Et, on a reformulé Klere Timoun en Centre d’Entrepreneuriat et de Création d’emplois (CECE). Nous organisons chaque 2ème dimanche du mois, des marchés en plein air, des expositions de produits destinés à la vente, ce qui permet aux enfants d’être rémunérés pour leur œuvre ou éventuellement de les vendre en ligne. À partir des différents ateliers, on devient une branche des Associations d’Écoles d’Epargne et de Crédit (AEEC) fonctionnant suivant les mêmes modalités que les 54 Associations Villageoises Association scolaire d’Epargne et de Crédit (ASEC) déjà existantes de nos professeurs et des membres du programme Chimen Lavi Miyò (CLM). Le but est d’initier à l’épargne et au crédit dès le 1er cycle et, du même coup, à l’entrepreneuriat scolaire. Cette démarche ouvre aux élèves la possibilité de concevoir un plan pour leur avenir, de prendre confiance en soi, d’attaquer de plein fouet les tabous, les stéréotypes lekòl timoun lavil et lekòl/timoun andeyò.
Nous les invitons aussi à contribuer chaque semaine aux activités à travers le programme “Kotizasyon m Konte”. On y dispense des cours de convenances sociales, des séminaires en cosmétologie, transformation de produits détergents, cosmétiques, sérigraphie. Nous offrons aussi des cours d’informatique et de langues vivantes aux autres jeunes de la commune. Nous voulons construire dès le 1er cycle des citoyens responsables “Yon Timoun Yon Metye”
5- Comment voyez-vous en général les droits des enfants en Haiti?
Gabrielle: Les droits de tous ne sont pas respectés en Haïti, voire ceux des enfants. Il existe des tabous inacceptables dont nous devons nous défaire si nous voulons construire une société juste et équitable. Par exemple : Timoun pa dwe gade granmoun nan je. Comment développer l’estime d’un enfant, l’aider à s’affirmer s’il ne peut même pas regarder en face son interlocuteur qui est, avant tout, un Parent. Ils ne peuvent pas développer leur intelligence émotionnelle et avoir une Bonne communication et compétence rationnelle (denrée rare en Haiti) s’ils ne peuvent pas regarder dans les yeux leur interlocuteur. Les droits des enfants sont des droits fondamentaux, pas spéciaux.
6- A partir de vos expériences avec les enfants, quel est le droit des enfants le plus largement violé en Haiti?
Gabrielle: Plusieurs droits des enfants sont violés à nos yeux : d’abord le droit au respect de l’intégrité physique des enfants. La punition corporelle est toujours acceptée dans les milieux ruraux, bien que çe soit interdit dans notre établissement. Nous sommes contre l’éducation avec bâton. Or, les parents nous demandent parfois de le faire lors des réunions. Même les professeurs vantent l’importance de l’utilisation du fouet. Ensuite, le niveau de promiscuité dans les ménages est alarmant. Nous nous esquintons pour réduire le nombre de grossesses précoces et non désirées. Trop de jeunes font des enfants dans la commune de Limonade. Grâce au travail assidu de la travailleuse sociale et de l’infirmière pendant les focus groupes avec les garçons et les filles, on a eu une réduction considérable (6/an à 1 l’année dernière). Les parents n’en disent rien. De fait, en partenariat avec P4H Global, on offre aux parents des séances de formations sur les droits des enfants.
7- Vous êtes une Entrepreneure indépendante et une Entrepreneure sociale aussi. Comment conciliez-vous ces 2 intérêts ?
Gabrielle: Je suis également Co-Propriétaire de SAPEN, S.A. Dans le contexte singulier d’Haïti, je me demande souvent comment ne pas être une Entrepreneure sociale? Je ne comprends pas que, avec tous ces problèmes à résoudre dans le pays, quelqu’un pourvu surtout de moyens reste les bras croisés, à ne rien faire pour diminuer les pesanteurs sociales. Comment penser seulement à son propre profit sans être concerné par le bien-être des autres ? De quelle fierté jouit-on quand son environnement immédiat ne peut même pas s’offrir la possession du minimum ? Ce faisant, on diminue les frustrations qui sont déjà excessives et on contribue à un mieux-vivre ensembles.
En effet, la Société Anonyme que j’ai co-fondée solutionne les problèmes des agriculteurs et aviculteurs, des femmes, des cantines scolaires afin de combattre la malnutrition infantile etc. Nous cherchons à réunir les ressources humaines qualifiées et les matières premières de qualité. Définitivement, on doit investir dans l’humain à tous les niveaux pour réussir ensemble. Parfois, on pense que l’Entreprise développe des activités dont l’utilité sociale l’emporte sur la rentabilité économique. Mais, à la longue, cette politique de responsabilité sociale nous aide à créer des ponts, des clients et alliés sûrs, et un environnement plus stable et propice à la croissance de l’entreprise. Je pense humblement que cette notion échappe à plusieurs.
En tant qu’Entrepreneure, je veux contribuer à l’évolution de l’écosystème économique et social haïtien. On n’a pas besoin d’être candidat ou riche pour aider son pays. D’ailleurs, je ne suis ni l’un ni l’autre. Je veux tout simplement rompre avec la culture d’exploitation et d’oppression de l’Haitien. Je dois joindre l’acte à la parole. Je dois motiver mes Associés qui sont à l’étranger par des actions concrètes. C’est pourquoi je travaille sans arrêt, sans prendre parfois de vacances. Nous voulons avoir une entreprise responsable qui crée des emplois satisfaisants, avec des collaborateurs épanouis, ouverts, contribuant à l’innovation et à la restructuration du tissu économique Haitien.
8- Vous êtes une grande fanatique de l’Agriculture, comment expliquez-vous votre passion pour la terre?
Gabrielle: Si Dieu m’a plantée n’importe où, je dois germer, croître, et donner des fruits. La terre d’Haïti m’enseigne beaucoup, elle n’est pas ingrate. On doit prendre soin de ce qu’on a planté. N’importe quelle graine peut germer et produire un tas de choses. C’est pourquoi j’adore la terre et j’aime vraiment planter dans ma cour, dans les cuvettes, les seaux etc…Je trouve toujours quelque chose à manger parce que je récolte des mangues, des tomates, des pois etc…Je crois dans une agriculture renouvelée ou moderne mobilisant les jeunes. Une agriculture mettant l’emphase sur la technologie innovante avec une perspective de préservation environnementale.
9- Pensez-vous que l’agriculture de subsistance peut résoudre le problème de faim chronique en Haiti ?
Gabrielle: À court et moyen termes, Oui. Dans un pays où l’infrastructure irrigable est quasi inexistante, où le problème d’électricité est angoissant, et où manquent les entrepôts équipés pour la conservation des produits, les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes. Encourager les jardins scolaires, familiaux ou communautaires est une décision stratégique pour combattre la faim. Ce sont des productions à petite échelle pouvant aider à réduire la dépendance vis à vis des produits importés. L’agriculture m’a aussi évité la dépression pendant le Peyi lòk.
10- Comment pensez-vous inculquer l’amour de la terre aux enfants que vous aidez?
Gabrielle: Par la pratique. Les enfants apprennent mieux que les adultes. Ils sont visuels. Ils aiment suivre des modèles réussis. On les engage dans des activités de jardinage scolaire. On leur offre des sessions de formation sur l’agriculture et l’environnement, Vendredi Vert. Chaque vendredi, de façon récréative, ils nettoient la cour de récréation et les salles de classe. Ce sont eux qui préparent les pépinières, transplantent sous la supervision de l’Agronome ou du Technicien Agricole. Ils aident à désherber et à récolter les légumes acheminés à la cuisine du jardin scolaire, puis sur la table. Et, s’il y en a, on distribue le surplus afin qu’ils l’emportent à la maison. Ces enfants sont des agriculteurs responsables. Dernièrement, un élève de 2ème année m’a donné 4 oeufs. Je lui ai demandé où il les avait trouvés. Il m’a répondu fièrement : “Les 2 poussins que tu m’as donnés pour la Noël 2021 continuent à pondre. J’ai surveillé ma grand-mère afin qu’elle ne les vende pas car je voulais te donner un cadeau en retour. Je mange un œuf chaque jour”. J’étais tellement contente et heureuse d’entendre ça. Ce qui est paradoxal, c’est que tous les adultes de l’établissement (Petit personnel et Profs), bénéficiaires aussi de poules se plaignent d’avoir été dépourvus par le passage de la maladie. Cependant, notre dernière enquête confirme que 87% des élèves ont au moins un poulet vivant. Investir dans les enfants produit un effet de boule de neige. Et, ces petits anges peuvent motiver les adultes à emboîter le pas. Ces enfants m’inspirent de plus en plus. Ils me donnent davantage raison d’être revenue dans mon pays. Il y a vraiment du pain sur la planche.
11- Revenons à votre entreprise personnelle de produits agricoles ? Parlez-nous d’elle et que veut dire ce nom ?
Gabrielle : La SAPEN, S.A est le rêve de toute une équipe d’Haïtiens vivant en Haïti et dans la diaspora. Nous ne sommes pas libres quand c’est notre voisin qui nous nourrit. On ne saurait nous respecter si nous ne pouvons même pas nous suffire pour le minimum (manger et boire). SAPEN, S.A voulait faire partie de la solution au lieu de se lamenter devant tout ce qui aurait dû être fait. De ce fait, nous avons décidé d’investir dans l’aviculture ( Poulailler, élevage de ménures et une chaîne d’abattage) pour fournir, en morceaux, la source de protéine la moins coûteuse aux Haïtiens. C’est une façon de combattre la malnutrition et les maladies liées à la conservation et au transport de ces produits. Nous avons opté pour la transformation des fruits: mangos, fruits, bananes, noix de coco, ce qui aide automatiquement les planteurs à vendre leurs récoltes au lieu de les voir pourrir. C’est aussi une possibilité donnée à tous de consommer des fruits hors saison. SAPEN S.A se définit ainsi : Société Agricole de Production et d’Élevage du Nord. C’était le choix du Vice-Président des Opérations, Steve A. MATHIEU.
12- En tant que femme, comment arrivez-vous à vous imposer dans le monde des Affaires ?
Gabrielle : Je crois tout simplement en mes capacités. Je ne me limite pas en fonction du genre. Je suis laborieuse. Mes résultats sont tangibles et je les laisse faire leur petit bonhomme de chemin. Avec le temps, on commence à comprendre ce qu’on essaie de transformer dans les communautés, une vie à la fois. Les femmes, hommes, enfants ou familles avec qui je travaille sont des témoins vivants et ils méritent tous aussi les honneurs pour leur volonté sincère dans la bataille. Pas de réussite sans eux et je leur suis infiniment reconnaissante pour la confiance placée en moi. Leur succès est le mien et je me sens fière et comblée.
13- Que pensez-vous qu’on doit faire actuellement avec les enfants d’Haiti afin de sauver les prochaines générations qui arrivent?
Gabrielle: Nous devons en finir avec les programmes bidons et nous investir à fond dans la transformation réelle de l’humain, notamment des enfants. Et, le moment ç’est maintenant. Le futur d’Haiti m’inquiète sérieusement. Cependant, nous avons encore la possibilité d’inverser la situation de détérioration actuelle, compte tenu du pourcentage élevé de jeunes composant la population haïtienne. Les enfants sont notre chance. Nous devons nous impliquer à fond, utiliser les nouvelles technologies à notre avantage. Je suis envahie de fierté en contemplant le niveau de détermination des enfants a l’ECEC. Ils ne se plaignent pas et ils ne sont pas aussi conflictuels que les adultes. Des programmes pratiques peuvent mieux les orienter, les aider à créer des rêves, leur inspirer confiance en soi, défaire les mentalités néfastes à notre développement en tant que peuple, booster l’engagement civique, le vivre ensemble, l’amour de la patrie, les engager dans des réflexions constructives. Je crois fermement en un avenir meilleur par le biais des enfants et des jeunes. J’invite tous ceux qui croient en cette nouvelle Haiti à investir davantage dans des programmes susceptibles de renforcer les bases du développement. Nous pouvons ensemble reconstruire le tissu social en investissant dans les enfants et les jeunes.
14- Quel est votre message à la Société Haitienne? Surtout les jeunes femmes d’affaires ?
Gabrielle : Ensemble nous pouvons sauver ce qui nous revient de droit, notre Haïti. Rien n’est gratuit dans ce monde. Les pays développés ont consenti à des sacrifices énormes. Et, ils continuent encore de faire des choix difficiles. Examinons nous et demandons ce qu’on peut apporter de contribution pour cette nouvelle Haïti dont nous rêvons tous. Notre rêve ne doit pas rester dans l’imaginaire. Mais, il doit être accompagné d’actions concrètes pour poser les bases nécessaires. Si vous pouvez former, conseiller un groupe, faites-le. Encouragez les à créer à prendre des risques pour qu’ils ne servent pas de tremplin aux prochains candidats. Encouragez les à alphabétiser les jeunes et les adultes qui n’ont pas été aussi chanceux qu’eux. Faites quelque chose, sinon taisez-vous. Par ailleurs, les femmes sont incontournables dans le développement de toute société. Renforçons nos réseaux, épaulons les plus faibles pour que notre force stimule le changement tant souhaité. Ne gaspillons pas notre énergie avec des amis qui ont trop de temps pour bavarder à longueur de journée au lieu d’aider à la reconstruction. Faisons les choix difficiles maintenant pour préparer un lendemain plus facile à vivre.
15- Voulez-vous partager un dernier mot au pays tout entier spécialement au P.M Ariel Henry?
Gabrielle: À mes soeurs et frères, le pays compte sur nous. Le pays est désormais dans une phase très critique. Attelons nous, regroupons-nous et engageons-nous pour sortir ensemble de ce labyrinthe, sinon nous périrons tous. Ç’est inacceptable que 12,000,000 habitants se résignent à livrer le pays à un petit groupe. Regroupons nous, formons nos filles et fils pour nous sauver tous. Ne restons pas indifférents face à cette situation dégradante ; il n’y aura pas de miracle qui se produira, engageons nous, citoyens responsables, pour sauver notre patrie.
Au P.M Ariel Henri, et à ceux qui ont des responsabilités envers le pays, je lui dirais d’endosser pleinement leurs responsabilités. Comment concevoir la présence d’un Chef dans une maison où des dégâts se produisent quotidiennement ? Le P.M a l’impérieux devoir de garantir la sécurité du peuple afin que tout le monde regagne la paix d’esprit. Il faut renforcer la capacité de la Police Nationale. La sécurité alimentaire du peuple aussi est fondamentale à l’heure actuelle. Il doit trouver une solution pour que manger cesse d’être un luxe. Les gens deviennent fous d’anxiété dans le pays. On en a assez. Accordez au moins cette chance à Haïti.





Née au Cap-haïtien, je suis une Haïtienne restée attachée à ma ville natale. Mon penchant particulier pour les Sciences humaines et sociales s’accorde avec mes activités professionnelles en tant que Juriste en Droit de l’homme, notamment en Droits de l’enfant et en Droits des femmes. J’ai aussi reçu une formation en Journalisme et en Psychologie positive.
Mes goûts sont prononcés pour les activités artistiques et culturelles ( théatre, peinture, artisanat, dessin, danse, musique). Je me perds souvent à admirer des tableaux ou des œuvres d’art n’importe où. A l’adolescence, il me plaisait de chanter et de jouer au théatre à l’auditorium du Collège Régina Assumpta. Les restos, les spectacles, la danse sans toutefois aimer les bals, les documentaires, la lecture constituent mes loisirs préférés. Quant à l’écriture, elle remplit ma vie, et je ne m’en lasse jamais. Le sport ne me laisse pas aussi indifférente. Je suis fan de l’équipe d’Argentine, de Lionel Messi et de Golden State Warriors/ Stephen Curry.
Au bout du compte, mon caractère fébrile m’incite aussi à m’engager dans des activités communautaires afin de participer à l’élévation des mentalités. Je reste convaincue que Haïti peut renaître de ses cendres comme le Rwanda et bien d’autres pays dont les situations socio-économiques étaient pires que la nôtre.
YON JOU LA JOU !
