À l’ère du numérique, nos téléphones sont devenus de véritables extensions de nous-mêmes. Ils nous connectent, nous informent… mais ils peuvent aussi nous exposer. Dans certaines communautés, notamment au sein de la communauté haïtienne, on observe une tendance préoccupante : l’enregistrement ou le partage de contenus intimes via des appareils mobiles, en particulier chez les jeunes. Ce comportement, souvent perçu comme anodin, peut pourtant entraîner de lourdes conséquences, tant sur le plan personnel que juridique.
Beaucoup de jeunes stockent sur leur téléphone des photos ou vidéos à caractère intime sans prendre la moindre précaution. Pire encore, ils partagent parfois ces contenus avec des partenaires ou amis, sans mesurer les risques. Il s’agit là d’une négligence numérique, où ce n’est pas la technologie qui est en cause, mais bien la manière dont elle est utilisée. Et cette légèreté peut coûter cher.
Parmi les négligences les plus fréquentes, on retrouve l’utilisation de smartphones sans mot de passe ni verrouillage biométrique, le partage de contenus via des applications non sécurisées comme Messenger ou WhatsApp sans chiffrement activé, l’absence de chiffrement ou de suppression automatique des fichiers sensibles, le stockage automatique dans des services cloud non protégés, ainsi que le prêt ou la perte du téléphone, qui rend ces fichiers facilement accessibles à des tiers. Ces comportements, souvent banalisés, peuvent devenir catastrophiques si le téléphone est perdu, piraté, ou manipulé par une personne malintentionnée.
Face à cette réalité, il est essentiel de promouvoir l’éducation numérique et la sensibilisation à la protection de la vie privée. Cela commence par ne jamais enregistrer ni conserver de contenu intime sur un appareil connecté à Internet. Il faut utiliser des mots de passe complexes et activer les méthodes de verrouillage avancées comme l’empreinte digitale ou la reconnaissance faciale. La double authentification devrait être activée sur les comptes sensibles comme Google, Apple ou les réseaux sociaux. Il est également recommandé d’utiliser des applications de messagerie sécurisées avec chiffrement de bout en bout comme Signal, de faire des sauvegardes sécurisées et de supprimer régulièrement les fichiers sensibles non nécessaires.
Le bon sens est primordial. Avant de produire ou de partager un contenu personnel, il faut toujours réfléchir aux conséquences futures. Une fois diffusé, un contenu intime devient très difficile voire impossible à contrôler. Il est important d’aborder ces sujets de manière ouverte, dans un cadre bienveillant : à l’école, en famille ou au sein de groupes de jeunes.
Si vous partagez ou diffusez un contenu intime sans le consentement de la personne concernée parfois dans le but d’humilier, de se venger, ou même d’attirer plus de followers sachez que vous commettez un acte illégal dans de nombreux pays. Ce qu’on appelle le “Revenge porn” (pornographie de vengeance) est interdit par la loi. Les auteurs de tels actes s’exposent à des sanctions pénales, pouvant aller de lourdes amendes à des peines de prison.
En Haïti, même si la législation en matière de technologies numériques et de réseaux sociaux est encore en développement, le droit à la vie privée bénéficie tout de même d’une certaine protection. À titre d’exemple, l’article 1168 du Code civil haïtien stipule : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Ainsi, même en l’absence de dispositions précises sur les atteintes à la vie privée via les réseaux sociaux, un avocat peut s’appuyer sur plusieurs fondements juridiques pour constituer un dossier pénal solide.
Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de mineurs, la diffusion de contenus à caractère sexuel est considérée comme de la pornographie juvénile, un crime sévèrement puni par la loi. Les victimes disposent du droit de porter plainte auprès des autorités compétentes, de demander le retrait immédiat des contenus en circulation, et de bénéficier d’un accompagnement juridique ou psychologique. Ce phénomène n’est pas une simple « tendance ». C’est un signal d’alerte éducatif, social et juridique. Il est urgent d’équiper les jeunes avec les bons réflexes numériques et de leur rappeler que la liberté numérique implique aussi une grande responsabilité

originaire du Nord d’Haïti, est un professionnel en informatique passionné par l’innovation technologique et la gouvernance électronique. Fort d’une carrière diversifiée au niveau national et international, il a contribué dans des secteurs clés comme la banque, les télécommunications, le privé et le gouvernement. Il a dirigé pendant près de dix ans une association de jeunes, inspirant une génération à s’intéresser aux technologies et à leur impact sur le développement.
